• "Le Christ parlant avec Nicodème la nuit" peint par Crijn Hendricksz Volmarijn entre 1616 et 1645 @ Wikimedia Commons

« Un Dieu en descente »

Nicodème cherche à mieux saisir l’identité de Jésus. Pour l’éclairer, Jésus l’entraîne dans un va-et-vient entre ciel et terre. Puisqu’il est maître en Israël, il lui rappelle un épisode de la longue marche du peuple vers la Terre promise, une invasion de serpents venimeux qui avaient provoqué pas mal de décès. Les hébreux y avaient vu une punition divine, mais, finalement, Dieu leur avait pardonné. Un serpent enroulé au sommet d’un mât était le signe de la réconciliation: qui le regardait échappait à la mort. Ce caducée, ancêtre des enseignes de nos pharmaciens, préfigurait le Christ élevé sur la croix.

Des générations de théologiens ont vu dans le Christ élevé sur la croix le prix du pardon divin. Ils ont tenté de l’expliquer en recourant à tout un arsenal de termes juridiques comme loi, faute, châtiment, sacrifice, rachat, satisfaction, expiation, pardon. En ancrant ainsi dans l’imaginaire des fidèles le sentiment de comptes à régler ils ont contribué à promouvoir une spiritualité doloriste et une morale culpabilisante, des joug difficiles à porter.  

Jésus renverse de fond en comble cette perspective en faisant remarquer à Nicodème que celui qui est élevé sur la croix est d’abord descendu du ciel: «Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.» Sa formulation balaie toutes les explications juridiques à partir des notions de satisfaction, d’expiation, de prix à payer. Pour lui, l’élévation du Christ en croix n’est que l’interface de sa descente du ciel pour rejoindre l’humanité éprouvée par le méchant serpent. Qui le contemple sur la croix y découvre le signe d’une bienveillance et d’une solidarité sans faille. Dieu ne se situe plus face à l’homme comme qui réclame des comptes et exige réparation. Il est à ses côtés pour partager un même destin. Il l’a tellement aimé!

Le salut est le fruit d’une relation descendante, l’acceptation d’un Dieu qui se donne, un acte de foi plus qu’une performance. Dès lors, le jugement ne menace plus l’homme de l’extérieur. Chacun est son propre juge dans la mesure où il accepte ou refuse ce Dieu «en descente»!

«Un Dieu en descente» (Jn 3,14-21) – Méditation à partir de l’Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 10 mars 2024

Auteur:

Pierre Emonet SJ

Né en 1936, entré chez les jésuites en 1976, il se consacre à l'écriture et aux ministères ordinaires de la Compagnie: exercices spirituels dans la vie ou en retraites, accompagnement spirituel, prédication et aide dans le ministère paroissial. Il a également été le dernier directeur de la revue choisir qui a cessé de paraître fin 2022. Il a publié plusieurs livres, et notamment trois biographies de jésuites aux éditions Lessius : Ignace de Loyola - Légende et réalitéPierre Favre (1506-1546) - Né pour ne jamais s'arrêter, et récemment Pierre Canisius - L’infatigable réformateur de l’Église d’Allemagne (1521-1597). Il a également publié eb 2023, la première biographie en français de Pedro Arrupe sj: «Pedro Arrupe, un réformateur dans la tourmente». Un livre qui lui tenait à cœur –«mon dernier» précise-t-il– tant le Supérieur général de la Compagnie de Jésus du milieu du siècle dernier est pour lui «un modèle de jésuite».

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