Après le triomphe de la multiplication des pains, les disciples n’ont guère pu s’éterniser dans le happy end des foules en liesse qui voulaient faire de Jésus leur roi (Jn 6,15). Jésus les a obligés à embarquer pour regagner l’autre rive pendant qu’il s’éloignait pour une prière solitaire. En dépit de leurs efforts pour ramer contre le vent, la barque, chahutée par les vagues, n’avance guère dans la nuit. Image de l’Église apparemment orpheline du Christ, secouée par les scandales, les abandons et les persécutions.
Marchant sur l’eau, Jésus rejoint des disciples fatigués et déçus. Sans doute s’agit-il d’un fantôme né de leur angoisse. Dépassés, les disciples fantasment. Moments d’épreuves et d’incrédulité, lorsque le sentiment de l’abandon est plus fort, plus crédible que l’accueil d’une mystérieuse présence perçue par la seule foi.
Dans le langage biblique, l’eau stagnante, celle qui ne jaillit pas comme une source, évoque un milieu adverse et dangereux, le monde du mal. En foulant les eaux, Jésus révèle qu’il est plus fort que tout ce qui peut menacer l’homme. Face à ses disciples apeurés, il reprend à son compte le Nom divin révélé à Moïse au buisson ardent, n’ayez pas peur, « Je suis » (Ex 3,14) traduit en français par « C’est moi ». En compagnie du maître des éléments, les disciples n’ont plus qu’à faire confiance.