Lors des votations du 15 mai 2022 prochain, le peuple du canton de Berne aura à se prononcer sur un projet de modification touchant les «projets alternatifs». Le projet alternatif a ceci de particulier qu’une fois accepté par une majorité des députés, «il empêche de facto le dépôt de tout projet populaire».
L’utilisation de cette procédure montre que, depuis 1995 où elle entra dans la règlementation cantonale, elle fut principalement utilisée pour conserver au Grand Conseil bernois le premier et le dernier mot sur le pouvoir législatif. Justifiée à l’époque pour limiter le nombre de variantes et simplifier l’éventail des choix, cette règle fut en fait le plus souvent détournée par le Grand Conseil pour monopoliser le pouvoir populaire. Si la modification est acceptée par le peuple le 15 mai prochain, le corps législatif bernois ne pourra plus empêcher l’expression de contre-projets citoyens, ce qui accentuera le pouvoir du peuple au dépend du corps législatif.
L'avis du Père Perrot sj
Double est ma réaction de Français à cette initiative soutenue par la quasi-totalité des membres du Grand Conseil bernois. D’abord l’étonnement admiratif devant la conscience démocratique des élu·e·s. Contrairement à une attitude très répandue en France ou, dans le meilleur des cas, l’Assemblée nationale se prend pour le peuple souverain –confondant ainsi l’intérêt général de la nation avec la somme des intérêts particuliers des mandants, les élus bernois ont l’intelligence de laisser au peuple la souveraineté propre à toute démocratie idéale.
Ma seconde réaction touche ce qu’une telle proposition suppose de pari sur la vertu populaire. Cette confiance dans un peuple mise sur le sens du bien commun, chez des électeurs capables d’orienter l’organisation politique vers le bien de chacun –notamment des plus faibles– par la solidarité de tous. C’est une bonne manière de compenser les dérives que suscitent les majorités de circonstance.