Dans l’Évangile, le récit de la Transfiguration commence par fixer une date, malheureusement escamotée dans le lectionnaire du dimanche. «Six jours après» Jésus emmène sur une montagne trois disciples qui seront les témoins de son agonie à Gethsémani. Six jours après quoi? Après qu’il ait annoncé à ses disciples sa passion et leur avoir rappelé de porter leur croix, s’ils voulaient le suivre. Des propos sombres qui remettaient en question la divinité du Christ. Ce jour-là, sur une montagne, le lieu traditionnel de la rencontre avec Dieu, Jésus apparait métamorphosé, rayonnant d’une splendeur surhumaine.
Convaincus de faire le bon choix, les disciples avaient suivi Jésus, persuadés qu’il était le Messie. C’est lui qui allait remettre toutes choses en place et rendre à Israël la liberté et le pouvoir. Et voici qu’il annonçait un échec. Comment accepter un Dieu écrasé, qui souffre, qui pleure, et finit par mourir? Dans leur cœur le doute s’est insinué.
Sur la montagne, le lieu des manifestations divines, ces hommes découvrent une autre face du Christ. Derrière celui qui va à la mort ils voient comme en transparence la divinité de leur maître, celui qui est comme le pôle vers lequel tend toute l’histoire symbolisée par la présence de Moïse et Elie. En un instant de clarté fulgurante ils saisissent qu’en dépit des apparences ils ont fait le bon choix. Une voix venue du ciel les rassure, la même qu’ils avaient entendue au moment du baptême de Jésus: «Celui-ci est bel et bien mon fils: écoutez-le!» Consolation spirituelle, moment furtif, anticipation d’un au-delà vers lequel on est en marche, mais dont la stabilité est encore à venir. Rendus à la réalité quotidienne, ils ne voient plus que Jésus seul, celui des jours ordinaires qui les entraîne vers son destin. Mais dans leur cœur tout a changé, ils savent qu’ils sont sur le bon chemin.
Comme les disciples, nous passons par des alternances de consolations et de désolations. Contrairement à eux, nous ne voyons pas le fils bien-aimé ni dans son habit de gloire ni dans sa tenue de tous les jours. Seule sa Parole nous reste, à méditer pour autant qu’elle trouve sa place dans l’ordonnance de nos journées.
«Relancer la marche» (Mt 17,1-9), méditation à partir de l’Évangile parPierre Emonet SJ pour le dimanche 6 août 2023, fête de la Transfiguration