« Question de regards »

«Pour Marie Madeleine si le corps de Jésus n’est plus dans la tombe c’est qu’il en est sorti. Pas de lui-même, évidemment, puisqu’il était bel et bien mort. Reste une hypothèse plausible: ses ennemis ont dérobé le cadavre pour en finir une bonne fois avec un mort qui les a trop dérangés. De tout temps, ceux que le message du Christ incommode finissent par clamer haut et fort que «Dieu est mort!».

Face au tombeau vide, Marie Madeleine et les disciples arrivés en urgence ne savent trop que penser. Tout est là, bien à sa place, seul le corps a disparu, volatilisé, évaporé. Mystère!

Le texte grec de l’Évangile (mal rendu en français) suggère que:

la clef du mystère est une question de regard.

L’évangéliste joue avec trois verbes différents pour caractériser la manière dont chacun des protagonistes a perçu le tombeau vide. Marie Madeleine et le disciple arrivé en premier se contentent de regarder, de prendre acte. Ils voient que la tombe est ouverte, et que les linges reposent à plat. Ils ont enregistré une situation. Quant à Pierre, il a pénétré dans le tombeau et examine la scène avec attention. Puisque rien n’a été dérangé, il reste tout perplexe. C’est finalement l’autre disciple qui voit de quoi il en retourne. Il comprend que la tombe déserte et les linges vidés de leur contenu ne sont que les signes physiques d’une réalité qui n’appartient pas au monde de la physique: «Il vit et il crut.» Passant du passé au présent, il voit au-delà de ce qu’il a sous les yeux, que Jésus n’appartient pas au monde des morts.

Trois regards sont portés sur le tombeau vide : un simple enregistrement de la situation, une attention plus engagée, une vue inspirée par les Écritures capable de percevoir la réalité derrière les apparences. Avis au lecteur de l’Évangile: les sacrements, la liturgie, les prières, l’Église, le prochain innombrable, risquent bien de n’être que des tombeaux vides aussi longtemps que le regard – et le cœur – ne rejoignent pas la présence cachée derrière les signes.»

«Question de regards» (Jn 20,1-9)Méditation à partir de l’Évangile de Pierre Emonet sj pour ce dimanche de Pâques 31 mars 2024.

Auteur:

Pierre Emonet SJ

Né en 1936, entré chez les jésuites en 1976, il se consacre à l'écriture et aux ministères ordinaires de la Compagnie: exercices spirituels dans la vie ou en retraites, accompagnement spirituel, prédication et aide dans le ministère paroissial. Il a également été le dernier directeur de la revue choisir qui a cessé de paraître fin 2022. Il a publié plusieurs livres, et notamment trois biographies de jésuites aux éditions Lessius : Ignace de Loyola - Légende et réalitéPierre Favre (1506-1546) - Né pour ne jamais s'arrêter, et récemment Pierre Canisius - L’infatigable réformateur de l’Église d’Allemagne (1521-1597). Il a également publié eb 2023, la première biographie en français de Pedro Arrupe sj: «Pedro Arrupe, un réformateur dans la tourmente». Un livre qui lui tenait à cœur –«mon dernier» précise-t-il– tant le Supérieur général de la Compagnie de Jésus du milieu du siècle dernier est pour lui «un modèle de jésuite».

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