Thomas confond la résurrection avec la réanimation d’un cadavre; il voudrait retourner au passé comme si la présence du Resuscité impliquait la remise en marche de toute la biologie de Jésus. Pour croire à sa présence, il veut pouvoir toucher, palper, vérifier la consistance de celui qui se manifeste autrement. Il a oublié la leçon que Jésus avait administrée aux Sadducéens qui niaient la résurrection des morts: lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on est comme les anges dans les cieux (Mc 12,25). On n'appartient plus au monde physique.
Les autres disciples l’ont compris lorsque Jésus est venu à leur rencontre dans le cénacle, toutes portes et fenêtres soigneusement fermées. Le Resuscité a traversé l’espace sans se déplacer et le voici subitement présent, sans qu’on l’attende. Il n’est ni un fantôme ni le produit d’une hystérie collective ; ses membres marqués par les traces de la passion attestent qu’il est bien le même que le crucifié.
Sa présence échappe aux lois de la physique et de la biologie.
Les signes qui attestent sa présence sont d’un autre ordre. Intérieurs plus que physiques. Il y a d’abord cette profonde et durable transformation qui s’est opérée en eux: la paix qui les habite, la joie, le dynamisme qui les anime ont balayé tout désespoir et les rendent capables d’un comportement au-dessus de leurs forces. Au péril de leur vie, souvent au prix du martyre, ils vont partir aux quatre coins du monde annoncer la bonne nouvelle de Jésus Christ. Et la force et la crédibilité de leur message dure depuis vingt et un siècles sous toutes les latitudes, dans toutes les cultures malgré toutes les tentatives pour les discréditer ou les faire taire.
L’Évangile ne dit pas si Thomas a touché le Christ mais il rapporte que pour lui la chose est devenue évidente comme pour les autres disciples. Celui qui se tient devant lui est bien le Jésus d’autrefois, mais présent dans une autre dimension. Vouloir le vérifier physiquement ne serait qu’un retour en arrière. En reconnaissant en Jésus son Seigneur et son Dieu Thomas passe dans une autre dimension, comme tout croyant il consent le saut de la foi.
«Présent mais autrement» (Jn 20,19-31) – méditation de Pierre Emonet sj du dimanche 7 avril 2024