À peine baptisé, son identité divine reconnue par le Père, Jésus est poussé au désert, le lieu traditionnel de la mise à l’épreuve et des grandes décisions de vie. Pris entre l’attente des milieux religieux et politiques de l’époque, et la carrière du Serviteur souffrant, il n’échappe pas au dilemme entre le repli narcissique et les consolations promises au don de soi. Jésus livre le rude combat du chrétien, Satan et les anges se disputent le terrain.
Le baptême n’engendre pas des citoyens hors sol.
Fraichement baptisé, Jésus ne se rend pas en Judée, la Province à l’orthodoxie garantie, la patrie du Temple, du grand-prêtre et de la fidélité à la Loi. Sa mission l’appelle en Galilée, la terre des nations où l’indifférent, le païen et le juif se mêlent en une population trop mélangée pour être pure. Il ne va pas y fonder un club de purs, une société dans la société. Le mirage d’une chrétienté structurée comme une puissance de ce monde ne l’effleure pas. Bien au contraire. Quelques années plus tard, dans une lettre emblématique, ses disciples préciseront leur place dans la société:
«Les Chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n'habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n'a rien de singulier… En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les Chrétiens le sont dans le monde.» (Lettre à Diognète, 190/200)
D’entrée de jeu, l’évangéliste synthétise la mission de Jésus par un double appel: urgence et conversion. Il n’y a plus à attendre, les promesses divines sont à portée de main. Que ceux qui veulent entrer dans l’Évangile et prendre au sérieux la vie et l’enseignement du Christ ne rêvent pas d’un autre monde, d’une autre situation personnelle ou sociale. Jésus ne les invite pas à quitter leur monde et de ses circonstances. Il devient urgent qu’ils changent de mentalité et opèrent une conversion en changeant leur regard sur eux-mêmes, sur le monde, sur Dieu. Question de foi, invitation à voir au-delà des apparences.
« Prélude à l’Évangile de Marc » (Mc 1,12-15) – méditation de Pierre Emonet sj à partir de l’Évangile pour le dimanche 18 février 2024.
