Nous avons à peine rangé les crèches et nos décorations de Noël que déjà nous nous trouvons face au nouveau temps fort de l’année liturgique. Certains préfèrent Noël, sa kyrielle de cadeaux et son ambiance chaleureuse au milieu de l’hiver. D’autres pensent que l’essentiel de la foi chrétienne se révèle à Pâques avec la croix et la résurrection. La saison, l’ambiance et le contenu des liturgies de ces deux fêtes sont tellement différentes, qu’on n’en oublie parfois qu’il s’agit de deux temps d’un seul évènement: La révélation, par Jésus Christ, de la nature et du visage de Dieu, de sa bienveillance, sa miséricorde et son amour inconditionnel pour toute ses créatures.
Ce qui commence dans l’étable de bois de la crèche trouve son accomplissement sur le bois de la croix: Dieu se remet lui-même entre les mains des hommes. Par amour pour nous, l’éternel et tout-puissant se rend fragile, vulnérable, mortel et impuissant, du moins selon nos critères humains. Cet amour inconditionnel, qui espère certes une réponse mais qui n’exige rien et ne se fait nullement dépendant d’une réponse, s’offre gratuitement à notre liberté de l’accueillir, de l’ignorer ou de le rejeter.
Dans cette perspective, la mort de Jésus sur la croix n’est pas un sacrifice expiatoire pour nos péchés, mais plutôt le moment de la révélation ultime d’un amour qui ne cesse jamais d’aimer, même au moment le plus radical de son rejet par les hommes. Si Jésus est devenu homme pour aimer jusqu’au bout, son cri du haut de la croix - «Tout est accompli» - prend tout son sens.
Quel amour que cet amour qui se laisse humilier, flageller et tuer plutôt que de céder à la violence! Ainsi, la croix est bien plus qu’un lieu d’adoration pieuse. Elle est l’invitation, toujours renouvelée, à placer notre confiance en Dieu et à le confronter à nos souffrances, nos doutes, nos plaintes et notre violence. Sur la croix, en Jésus Christ, Dieu fait face à nos interrogations:
Pourquoi ces souffrances? pourquoi cette maladie? pourquoi cette guerre? pourquoi, si tu es vraiment le Dieu bon et tout-puissant, ne descends-tu pas de ta croix pour enfin faire que tout soit bon? Jésus ne nous donne pas de réponse, mais il nous écoute et prend sur lui les conséquences de la souffrance du monde.
Tout cela n’aurait évidemment pas de sens, s’il n’y avait pas la résurrection. Revenant vers nous en proclamant «La paix soit avec vous!», Jésus nous montre que la souffrance n’a pas le dernier mot, que l’amour est plus fort que la violence, que la vie est plus forte que la mort. C’est cela, la bonne nouvelle de Pâques!
Mesurons-nous vraiment la portée et l’invitation de cette Bonne nouvelle dans notre vie de chrétien aujourd’hui? Nous aide-t-elle véritablement à affronter avec foi et confiance les souffrances de notre vie et la violence du monde? Et croyons-nous encore en un avenir au-delà de la logique de la violence et de la contre-violence? Dans le monde d’aujourd’hui, marqué par les crises et les guerres qui échappent de plus en plus au contrôle de l’humanité, il est plus que jamais nécessaire de pouvoir compter sur des hommes et des femmes qui ne se laissent pas dominer par leur peur, l’impuissance, le désespoir et la colère, mais qui trouvent confiance, espérance et joie dans leur foi en Jésus Christ, celui qui a vaincu la mort et qui demeure vivant et présent au milieu de nous, tous les jours et jusqu’à la fin du monde, alléluia!