Après la multiplication des pains, Jésus poursuit son enseignement en utilisant largement la métaphore du pain. L’aliment de base du monde méditerranéen est tout un symbole. Dans les quelques versets de l’Évangile du jour le mot «manger» revient sept fois, au point de donner le ton. Jésus utilise deux formes différentes escamotées par les traductions françaises: par deux fois il dit simplement «manger», mais lorsque ses auditeurs ce qu’il veut bien dire, il insiste à quatre reprises pour leur signifier qu’il s’agit de croquer, de mastiquer, de mâcher le pain.
Parlant de pain, Jésus n’évoque pas les miches qui ont rassasié les foules, ou le pain végétal (la manne) qui avait permis aux ancêtres de survivre dans le désert. Il parle de lui-même, de sa parole et de sa chair, entendez de son existence humaine, charnelle, de sa vie donnée aux autres jusqu’à l’extrême de la mort. Le Prologue de l’Évangile de Jean affirmait que le Verbe s’est fait chair, Jésus ajoute que la chair se fait pain.
L’accent mis sur le mot «manger» ou «croquer» laisse entendre que la parole et le corps du Christ sont une nourriture à consommer. Jésus n’attend pas de ses disciples qu’ils lui rendent un culte particulier, des cérémonies ou des liturgies rutilantes. Son corps n’est pas un objet de piété ni une récompense réservée aux seules bonnes consciences, il est fait pour être croquer et assimilé. Ce que vous consommez se transforme en votre propre substance. Vous mangez pour rester en santé et ne pas finir anémiques et demi-moribonds. Consommez donc ma parole et ma vie comme un pain à assimiler pour en faire votre propre vie. «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et vivra par moi.»
Ma parole et ma chair sont un viatique, provisions de route destinées à entretenir ou restaurer les forces et l’énergie dont vous avez besoin pour avancer sur des sentiers souvent malcommodes qui vous épuisent.
«Manger pour vivre» (Jn 6,51-58) - Méditation à partir de l'Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 18 juin 2023.
