La lèpre n’est pas une maladie ordinaire. Elle a une dimension religieuse et fait l’objet d’une législation particulièrement minutieuse dans le livre du Lévitique. Signe d’un châtiment divin, elle rend le malade impur et l’exclut de la société civile et religieuse. Le visage en partie voilé, les cheveux en bataille, les habits déchirés, tel un mort ambulant le lépreux doit se tenir à distance du public et annoncer sa présence en criant : je suis impur. Seul Dieu capable de maîtriser les mauvais esprits peut le guérir. Son retour à la santé est une vraie résurrection.
L’homme qui approche Jésus, ce jour-là, le supplie: si tu le veux tu peux me purifier. Sa demande laisse entendre qu’il est convaincu que celui auquel il s’adresse est habité par la force divine susceptible de resusciter un mort. Abondant dans son sens, Jésus reconnaît que ce pouvoir trouve sa source en lui-même, sans qu’il doive recourir à une autre instance: Je le veux, sois purifié! C’est son côté divin.
Et il y a son côté humain…. Jésus ne se contente pas de guérir d’un mot le pauvre exclu. Désireux de lui manifester sa compassion et sa proximité il n’hésite pas à transgresser un interdit, il le touche. Pour lui, la dignité d’un homme créé à l’image et ressemblance de Dieu l’emporte sur tous les règlements, même religieux.
Celui qui était socialement mort est rendu à la vie. L’enjeu de sa guérison dépasse son aventure individuelle. Encore faut-il qu’elle soit reconnue, qu’il retrouve sa place dans la société. Qu’il observe donc les règlements en vigueur. Une procédure légale sous la responsabilité du prêtre permettra sa réinsertion sociale. En témoignant ouvertement que Dieu est à l’œuvre en la personne de Jésus, que les esprits du mal sont vaincus, que les temps nouveaux annoncés par les prophètes sont arrivés, la reconnaissance publique de sa guérison devient une bonne nouvelle pour tout le peuple.
«L’homme debout avant toute loi» (Mc 1,40-45) – Méditation à partir de l’Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 11 février 2024
Illustration: Guérison de dix lépreux, par James Tissot (1836–1902), @ Wikimedia commons/Online Collection of Brooklyn Museum; Photo: Brooklyn Museum, 2008