Lorsque j'ai entendu parler pour la première fois de la tradition pascale du lavage des yeux, j'ai été à la fois surpris et touché. Je me suis dit qu'il n'y avait rien de plus beau, et que cette coutume traduisait une compréhension profonde de la fête de Pâques:
“Chaque année, au matin de Pâques, les villageois se rendaient à la fontaine pour se laver les yeux. Ce geste était accompagné d’une demande singulière:
être doté des yeux de Pâques.”
Les origines de cette coutume semblent prendre racine en France, mais on la retrouve aussi dans certaines régions d'Allemagne et d'Autriche.
Dans les récits bibliques de la Résurrection, il est beaucoup question de la capacité à voir, à regarder, à percevoir au travers, à voir à nouveau. Vous connaissez sans doute cette scène de l'évangile de Jean. Quand Marie de Magdala se rend au tombeau, tôt le matin, elle trouve le tombeau vide, elle aperçoit ensuite deux anges, puis le jardinier et enfin Jésus, le ressuscité, le vivant. «J'ai vu le Seigneur!» rapporte-t-elle aux disciples. Elle devient ainsi l'apostoline des apôtres.
Ne pas détourner le regard. C'est ce qu'a fait Jésus, et il a encouragé ses disciples à en faire de même. Plus encore, il leur a ouvert les yeux sur la réalité du monde et de l'homme, telle qu'elle est quand on regarde au-delà des apparences. Il l'a fait dans sa vie terrestre, et il le fait encore, après sa mort. Regarder, c’est tout d’abord percevoir. Mais regarder, vraiment regarder, implique de voir plus loin, plus profond. Regarder veut finalement nous amener à une vision unique, une vision nouvelle.
On dit de Marie de Magdala qu'elle se détournait sans cesse, qu'elle s'éloignait d'une chose pour se tourner vers une autre. Il faut pour cela un cœur aimant. Elle en avait un.
Voir avec les yeux de Pâques. Klaus Hämmerle, l'évêque d'Aix-la-Chapelle décédé en 1994, a magnifiquement exprimé ce que pouvait signifier cette expression, ce souhait pour nous tous:
Que notre regard soit celui des yeux de Pâques,
Percevant dans la mort l'élan vers la vie,
Dans la culpabilité, la voie vers le pardon,
Dans la séparation, l'aspiration à l'unité,
Dans les blessures, le chemin vers la guérison.
Je nous souhaite des yeux de Pâques,
Qui voient en chaque être la présence divine,
Et en Dieu, la manifestation de l'humanité,
Dans le "Je", la résonance du "Vous",
Et dans le simple acte de voir, une forme de grâce infinie.
Pensez-y lorsque vous vous laverez les yeux au matin de Pâques. Mais pas seulement ce matin-là, les jours suivants aussi, et tous les jours qui suivront.
Je vous souhaite des fêtes de Pâques bénies,
Bernhard Bürgler sj
