Cela faisait du temps que les disciples suivaient Jésus. Pour lui, ils avaient tout quitté, métiers, familles, barques et parents. Et voici que Jésus leur pose à brule-pourpoint une question qui les remet devant leur choix. Qui suivent-ils? Le grand prophète que célèbre l’opinion publique? Un sage, peut-être le plus grand de tous? Le leader attendu par les partis nationalistes qui rêvent de rétablir la grandeur d’Israël?
Très personnelle, la question est adressée à chaque chrétien.
Qui est Jésus de Nazareth au nom duquel tu as été baptisé, que tu prétends rejoindre par des moments de prière, la lecture de sa parole, des pratiques religieuses?
Pierre répond au nom de tous: nous ne suivons pas un sage, ni un maître spirituel, ni un prophète, mais le Fils du Dieu vivant, celui qui peut affirmer que le Père et lui ne sont qu’un, qui dit que celui qui le voit, voit le Père. Jésus de Nazareth, le fils de Joseph le charpentier et de Marie, incarne le vieux rêve de l’impossible rencontre du divin et de l’humain. Présence humaine de la divinité, de tout ce que l’on peut dire et rêver de Dieu, il est cet absolu vers lequel tend l’universel gémissement, vers lequel avance laborieusement l’Histoire. Sa présence ne se réduit pas à des rites ou des sacrements, et les tabernacles ne parviennent pas à le contenir. Loin d’être l’objet d’une piété sentimentale, il me devance, me poursuit, m’enserre de toutes parts; tous mes chemins lui sont familiers (Psaume 138). En lui, le fossé entre le profane et le sacré est aboli. Homme authentique, pétri de chair et d’histoire, il a bien vécu quelque part en Palestine, mais il appartient à toutes les époques et est présent à chaque circonstances de mon existence. Sa parole n’est pas un discours de sagesse inscrit au patrimoine littéraire de l’humanité; elle est Parole de vie qui bouleverse les cœurs pour signaler le chemin et nourrir le courage. Seuls les yeux de la foi sont capables de reconnaître la présence divine en l’homme de Nazareth. Sur cette foi se fonde la communauté des chrétiens. Pierre et ses successeurs veillent à ce qu’elle ne s’altère pas.
« Les yeux de la foi ? » (Mt 16,13-20) - méditation à partir de l’Évangile par Pierre Emonet sj pour le dimanche 27 août 2023