«L’enregistrement des bagages»

Au soir de l’Histoire, à l’heure des comptes, le moment est venu d’évaluer le poids d’une existence. Toute comédie terminée, l’esbrouffe, les beaux discours et les excuses n’ont plus cours. Les bons et les moins bons sont là, sur le départ, leurs bagages à l’enregistrement.

Stupéfaction! On s’attendait à un verdict inspiré par les minuties d’une morale conventionnelle, et voici que tout est pesé à l’aune du prochain en détresse. Le poids d’une existence équivaut à sa capacité de sortir de soi pour rejoindre le corps innombrable du Christ présent en tout homme. Saint Paul avait déjà attiré l’attention des Corinthiens: vous êtes le corps du Christ, sa présence en chair et en os (1 Co 12,27).

Persuadés que le Christ resuscité est dans sa gloire à bonne distance de la misère du monde, les «bénis du Père» comme les autres ne l’avaient jamais vu malade, souffrant de la faim, de la soif, miné par la solitude, demandeur d’asile ou réfugié. Pour leur joie ils découvrent qu’ils ont accueilli, nourri, servi, aimé le Christ. Les autres, pour leur confusion, comprennent que c’est le bien omis qui leur est reproché plutôt que le mal fait.

Reconnu ou pas –peu importe– le Christ de notre foi et de nos prières est réellement rejoint chaque fois que quelqu’un, croyant ou non, sort de son enfermement pour se pencher sur son prochain en détresse.

Dès lors, l’horizon s’élargit, les murs de séparation entre les religions s’effondrent, la question du salut de ceux et celles qui ne fréquentent pas les églises s’éclaire. L’amour du prochain, racine d’un authentique œcuménisme, chemin à la rencontre du Christ.

En dépit de l’image de la parabole, il serait vain de chercher à tracer une frontière sociologique entre les bénis du Père et ceux qui ont un pied en enfer. La ligne de démarcation ne passe pas entre des catégories sociales, mais à l’intérieur des cœurs tant il est vrai qu’en présence de la détresse chacun hésite entre l’engagement ou la fuite.  

«L’enregistrement des bagages» (Mt 25,31-46) - Méditation à partir de l'Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 26 novembre 2023.

Auteur:

Pierre Emonet SJ

Né en 1936, entré chez les jésuites en 1976, il se consacre à l'écriture et aux ministères ordinaires de la Compagnie: exercices spirituels dans la vie ou en retraites, accompagnement spirituel, prédication et aide dans le ministère paroissial. Il a également été le dernier directeur de la revue choisir qui a cessé de paraître fin 2022. Il a publié plusieurs livres, et notamment trois biographies de jésuites aux éditions Lessius : Ignace de Loyola - Légende et réalitéPierre Favre (1506-1546) - Né pour ne jamais s'arrêter, et récemment Pierre Canisius - L’infatigable réformateur de l’Église d’Allemagne (1521-1597). Il a également publié eb 2023, la première biographie en français de Pedro Arrupe sj: «Pedro Arrupe, un réformateur dans la tourmente». Un livre qui lui tenait à cœur –«mon dernier» précise-t-il– tant le Supérieur général de la Compagnie de Jésus du milieu du siècle dernier est pour lui «un modèle de jésuite».

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