Le divin a investi l’humain pour devenir «frère en notre chair». Sa chair, Jésus l’a reçue de sa mère. Dans le sein d’une jeune femme de Galilée le ciel a rejoint la terre. Inutile, désormais, de compter sur ses propres forces pour escalader le ciel et rejoindre Dieu. Aux bergers, l’ange annonce la bonne nouvelle du renversement: «Aujourd’hui, un Sauveur vous est né», désormais c’est Dieu qui descend pour s’intégrer à la pâte humaine.
La naissance de cet enfant est une provocation, un vrai défi face aux valeurs sur lesquelles on rêve trop souvent de bâtir sa propre existence. Les premiers destinataires de cette bonne nouvelle sont des bergers, à l’époque des marginaux; des langes servent de repère; l’accueil refusé oblige le couple à chercher refuge dans une étable où la jeune-femme accouche. Quelle est cette vie inaugurée sous le signe de la fragilité? Saint Paul ne manque pas d’attirer l’attention des Corinthiens: «ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour confondre ce qui est fort; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi …» (1 Co 1,27-28).
Par la vertu de cette naissance, la rencontre entre le divin et l’humain ne relève plus d’une mystique éthérée. Loin de faire écran à la divinité, l’épaisseur de la chair et la densité de la matière la révèlent. Saint Jean n’a pas reculé devant ce réalisme en professant: « ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1,1). La réalité matérielle et charnelle devenue diaphane, derrière chaque créature contre laquelle on butte se cache un cœur qui donne, une main qui agit et travaille, une instance amie et bienfaisante, source d’une vie plus abondante. Plus rien ne s’oppose à ce que l’on puisse voir et trouver Dieu en toute chose, selon la belle formule d’Ignace de Loyola.
«Le Verbe s’est fait chair» (Jn 1,1-18) - Méditation de Pierre Emonet sj à propos du Prologue de l'Évangile de Jean, qui est lu à la messe de Noël, dimanche 24 décembre 2023.