Dans la mesure où elle est authentique, la rencontre avec le Seigneur ne replie jamais une personne sur elle-même. Elle la met en route, la pousse à sortir de soi pour aller vers l’autre. Après l’annonce de l’ange, Marie part aussitôt chez sa cousine Élisabeth. Elle a appris qu’elle est enceinte, et qu’elle a sans doute besoin d’aide. Elle restera six mois auprès d’elle, tout le temps de la grossesse, jusqu’à l’accouchement et la naissance de Jean Baptiste.
Si l’arrivée de Marie réjouit Élisabeth, elle la bouleverse aussi. Non seulement parce que Marie est aussi enceinte, mais surtout parce son arrivée a réveillé en elle l’indicible. Elle pressent que sa cousine porte en elle une présence autrement plus grande que la sienne. Elle est la mère du Seigneur, en elle repose celui que l’univers ne peut pas contenir. Ce qui pour d’autres n’est qu’une grossesse devient pour Élisabeth le mystère de l’incarnation. Celle qui a dit «oui» à Dieu, et qui a consenti à un destin incompréhensible, diffuse la joie autour d’elle. Un bonheur de l’âme, une jubilation l’envahit jusqu’au plus profond de ses entrailles; l’enfant qui repose en son sein s’agite et dance de joie.
Ici, pas de théologiens ni de hiérarchie ni de grandes liturgies, mais simplement la rencontre de deux cousines qui vont être mères, et un chemin à la rencontre de l’autre, une ouverture, une transparence d’être qui laisse pressentir l’au-delà. La reconnaissance du Seigneur, la découverte de la foi passe à travers des gestes très simples, des événements de la vie de tous les jours, qui interpellent et attirent l’attention sur une présence plus grande. Deux femmes se rencontrent, et le quotidien devient le lieu du divin.
«La destinée de l’homme est de devenir celui qui peut témoigner de la Réalité transcendante au sein même de l’existence» (Graf Dürckheim).
Méditation à partir de l'Évangile pour le quatrième dimanche de l'Avent - 19 décembre 2021
«Le quotidien lieu du divin» (Lc 1,39-45) par Pierre Emonet sj