"Das denkende Herz" est le titre allemand des journaux intimes d'Etty Hillesum (1914-1943), dans lesquels elle témoigne de manière impressionnante de sa rencontre avec l'amour de Dieu au milieu de la guerre, de la persécution et de la mort. Et tout comme la jeune juive voulait être "le cœur pensant de la baraque" du camp de concentration de Westerbork, on pourrait qualifier Marie de "cœur pensant de l'étable" de Bethléem: elle "gardait toutes ces paroles et les méditait dans son cœur". Les deux femmes vivent dans un monde menaçant et hostile à l'homme, tout en faisant l'expérience de la proximité et de la promesse de Dieu. Elles sentent qu'en plus de toutes leurs questions et de leurs peurs, elles sont aussi touchées par une force qui éveille en elles la confiance, l'espoir et la joie. Et ils sont capables de percevoir ces expériences dans leur cœur, de les conserver et de les considérer à l'aide de leur intelligence.
Les deux femmes font ainsi ce qu'Ignace de Loyola (1491-1556) appelle le "discernement des esprits". Partant de l'expérience que Dieu veut aussi toucher chaque personne de manière très personnelle au niveau des sentiments et des impulsions du cœur, Ignace invite à s'arrêter régulièrement et à prendre le temps de percevoir et de nommer consciemment nos expériences, pour finalement considérer et discerner leur signification possible pour nous. Un moment privilégié pour cela est la relecture quotidienne de la journée, la "prière d'alliance". Il s'agit de chercher, dans la multitude d'expériences, d'impulsions et de voix qui animent notre cœur, la voix qui fait vivre, qui donne de l'espoir et qui donne de la joie.
Dans la naissance de Jésus, la promesse de la bénédiction d'Aaron (Nb 6,22-27), selon laquelle Dieu doit tourner son visage vers nous, a reçu une expression concrète et humaine. Dans son désir de rencontre et de manifestation de son amour inconditionnel, Dieu lui-même a pris pour nous une forme visible et tangible. Ce désir de Dieu est vivant aujourd'hui encore et veut toucher nos cœurs de différentes manières et dans les lieux les plus divers, comme chez cette femme désespérée dans la solitude oppressante de sa cellule de prison, qui entend soudain l'un de ses gardiens lui dire: «Que Dieu vous bénisse, Madame!» Dans certaines cellules, ces mots seraient simplement passés inaperçus. Mais chez cette femme, elles lui sont allées droit au cœur. Le fait d'avoir pu constater à quel point elle a été touchée m'a également profondément ému et a fait en sorte que cette simple demande de bénédiction ait un impact bien au-delà de l'espace de cette étroite cellule de prison.
Comme Etty Hillesum, nous vivons une époque de plus en plus marquée par un sentiment d'insécurité, de menace, d'impuissance et de peur. Quel est l'avenir de notre monde, de la guerre, du climat, de notre église et de nos vies? Face à tous ces doutes et ces craintes, il n'est pas facile de percevoir, comme les disciples d'Emmaüs, les moments où la brûlure du cœur nous indique la présence de Dieu. Mais ce sont précisément ces expériences qui permettent à Etty et à Marie de puiser force et espoir et de dire oui, en faisant confiance à Dieu, à ce que la vie leur impose.
Prions, nous aussi, pour le don du cœur pensant, afin de pouvoir expérimenter, conserver, considérer et distinguer les signes de l'attention de Dieu dans tous les défis de notre temps, afin que nous puissions nous aussi dire malgré tout et avec Etty Hillesum: "Je suis un être heureux et je chante les louanges de cette vie, oui vous avez bien lu, en l'année du Seigneur" 2023.
Version originale en allemand ici