Le cléricalisme, "La peste" de l'Eglise

Les propos polémiques de Jésus rapportés par Matthieu sont de toutes les époques. La perversion du message religieux par ses propres ministres est endémique. Du moment qu’une personne est investie d’un pouvoir sacré ou d’une autorité divine, qu’elle est chargée d’instruire et de guider les autres dans les voies du salut et de servir d’intermédiaire entre le ciel et la terre, elle risque bien de se sentir supérieure au commun des mortels. Le service qui lui est confié se métamorphose en exercice du pouvoir. Puisque le serviteur s’est élevé dans l’échelle sociale, il faut bien que cela se voie. Il en va de son autorité! Les titres académiques, un paternalisme qui s’adresse aux fidèles comme à des mineurs, les places d’honneurs, la tenue vestimentaire, autant de signes qui le désignent comme un être à part, digne d’un traitement privilégié. Interprète de la loi divine, guide spirituel, son enseignement est radical, dogmatique, sans nuances, plus attentif aux articles d’un catéchismes et du Droit qu’aux circonstances vécues quotidiennement par ses fidèles. Le conseil de Jésus est catégorique: ne vous mettez pas à son école, il fait écran entre le Christ et ses fidèles.  

Maintes fois au cours de son ministère, le pape François a repris à son compte les mises en garde de Jésus pour dénoncer cette mondanité spirituelle comme le fertile terreau du cléricalisme, cette peste de l’Église. Dans une lettre aux prêtres de Rome (7.08.2023) le Pape souligne quelques symptômes plus courants de ce fléau: «Cela se produit lorsque nous nous laissons captiver… par les tentations du pouvoir et de l'influence sociale. Et encore, par la vaine gloire et le narcissisme, par l'intransigeance doctrinale et l'esthétisme liturgique, formes et manières dont la mondanité se cache derrière les apparences de la religiosité et même de l'amour pour l'Église, mais qui consiste en réalité à rechercher la gloire humaine et le bien-être personnel plutôt que la gloire du Seigneur.» La condamnation est sans appel: «sous chaque type de rigidité, il y a de la pourriture». Rien d’étonnant si la raideur cléricale a nourri l’immense colère qui, actuellement, ne cesse de se défouler en dénonçant les abus dans l’Église.

«La peste» (Mt 23,1-12) - méditation à partir de l’Évangile par Pierre Emonet sj pour le dimanche 5 novembre 2023  

À son propos:

Pierre Emonet SJ

Né en 1936, entré chez les jésuites en 1976, il se consacre à l'écriture et aux ministères ordinaires de la Compagnie: exercices spirituels dans la vie ou en retraites, accompagnement spirituel, prédication et aide dans le ministère paroissial. Il a également été le dernier directeur de la revue choisir qui a cessé de paraître fin 2022. Il a publié plusieurs livres, et notamment trois biographies de jésuites aux éditions Lessius : Ignace de Loyola - Légende et réalitéPierre Favre (1506-1546) - Né pour ne jamais s'arrêter, et récemment Pierre Canisius - L’infatigable réformateur de l’Église d’Allemagne (1521-1597). Il a également publié eb 2023, la première biographie en français de Pedro Arrupe sj: «Pedro Arrupe, un réformateur dans la tourmente». Un livre qui lui tenait à cœur –«mon dernier» précise-t-il– tant le Supérieur général de la Compagnie de Jésus du milieu du siècle dernier est pour lui «un modèle de jésuite».

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