La foi en Dieu n’est pas une assurance tous risques. Le saint homme Job en avait déjà fait l’expérience. Lui qui avait tout fait bien était tombé dans la misère la plus noire: perte de ses biens, de ses proches, de sa santé. De quoi désespérer de Dieu et de ne plus croire en lui. C’est ce que pensait sa femme, qui le poussait à maudire Dieu.
Passe encore de souffrir sur terre. Les gens simples se résignent, et les théologiens trouvent toujours quelque raison hasardeuse pour justifier l’épreuve. Mais que Dieu lui-même soit sujet à la souffrance et à la mort, il y a là contradiction dans les termes. Qui dit Dieu, dit imperturbablement installé dans le bonheur, inatteignable par quelque souffrance que ce soit, exempté de toute mort. «Dieu n’a pas fait la mort» dit le Livre de la Sagesse (1,13). La souffrance et la mort sont l’œuvre du diable. Les premiers chrétiens l’avaient compris, qui, jusqu’au 5ème siècle, n’ont pas osé représenter le Christ mourant en croix.
On comprend le scandale des disciples lorsque Jésus leur annonce sa Passion et sa mort. Séduits par son enseignement et ses miracles, les disciples avaient opté pour lui comme qui fait un bon calcul. Être avec un Dieu qui triomphe du mal vous met à l’abri du malheur! En liant l’annonce de sa Passion à la confession de sa divinité, Jésus retourne de fond en comble les raisons pour lesquelles ses disciples le suivent. L’annonce de la Passion et de la mort remet en cause leur choix. Pierre qui venait de reconnaître en Jésus le Fils du Dieu vivant n’a pas pu s’empêcher de protester vigoureusement.
Son intervention rappelle à Jésus la tentation du désert: si tu es le Fils de Dieu, fais donc des prodiges. Aussi Jésus réagit violemment: «Passe derrière moi, Satan!» Ne me fait pas jouer la comédie, comme si je n’étais qu’une apparence d’homme en quête de popularité, soustraite à la souffrance et à la mort. Parce que tu m’as reconnu comme le Fils de Dieu, tu prétends m’épargner le sort commun de l’humanité. Sois le disciple d’un Dieu qui s’est fait homme en acceptant toi aussi la croix, ce lot d’épreuves et de violences propre à la condition humaine.
Pierre Emonet sj
«La foi mise à l’épreuve» (Mt 16,21-27) - méditation à partir de l’Évangile par Pierre Emonet sj pour le dimanche 3 septembre 2023
