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Haro sur la publicité commerciale!

Début janvier «le Conseil municipal de Lancy a voté en faveur d’une interdiction des affiches publicitaires sur le territoire de la commune. La décision pourrait concerner jusqu’aux panneaux installés dans le domaine privé, mais visibles depuis l’espace public.» (Le Temps du 19 janvier). Je ne développerai pas les raisons pour ou contre, car elles sont de natures très disparates. Nombreux sont les arguments pour et contre qui s’affrontent, depuis les raisons écologiques (puisqu’il s’agit d’affiche, chasse au papier) jusqu’aux arguments sociétaux (l’interdiction, c’est la porte ouverte à une police de l’information, voire à une censure de la part de ceux qui vont décider de ce qui est publicitaire - commerciale, politique, religieuse, humanitaire, …). La publicité politique –fondement de la démocratie– se distingue-t-elle nettement de la publicité commerciale? Certains en doute, certainement pas Javier Milei l’actuel Président ‘libertarien’ d’Argentine.

Quid de la publicité dite ‘institutionnelle’? Les Pyrénées ou la Région de Gruyère pourront-elles vanter à Lancy le charme de leurs vallons pour y attirer les touristes? Je laisse sciemment de côté l’argument esthétique. Quand je vois la pauvreté graphique de certaines affiches d’information municipale, je risque de regretter les dessins accrocheurs de la publicité commerciale. Il est vrai que dans le premier cas l’organisme chargé de la communication n’a pas une obligation de résultat –ce qui est moins vrai dans le second.

Je ne peux pas ne pas épingler l’argument présenté par un défenseur de l’interdiction. Selon le journal susnommé, il aurait expliqué: «Lorsque des gens écoutent de la musique forte dans la rue, on peut leur demander de baisser le son. Si la publicité commerciale nous dérange, nous ne pouvons pas nous balader les yeux fermés.» Il faudrait ajouter: et si la publicité non commerciale nous dérange? Les censeurs municipaux auraient-ils autorité pour décréter quelles affiches doit me déranger et quelles autres doit s’imposer à ma vue?

Je reconnais que ces questions sont un peu oiseuses concernant le Landerneau de Lancy. Mais la pointe de mon épingle vise un point plus fondamental. Faut-il solliciter la puissance publique pour éloigner de ma vue ce qui me dérange? Déjà le bruit des voitures et des motocyclettes. Plusieurs municipalités à vocation touristique ont franchi le pas, en interdisant non seulement la publicité (sauf pour les spectacles – tourisme oblige) mais également les mendiants de toutes sortes. Concernant ce dernier point, je m’y suis toujours opposé.

Lancy n’en est pas là. Les lecteurs de ce blog auront compris que, dans mon esprit, les affiches commerciales rejoignent ici les mondaines qui exposent leurs charmes en vitrine dans les rues d’Amsterdam. Il y a publicité et publicité. Un discernement doit donc intervenir, que la votation sur le même sujet (les affiches commerciales) dans la commune de Genève a provisoirement tranché en mars de l’année dernière. C’est une question d’éthique autant que de culture.

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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