Dans le texte original, le récit de la Transfiguration commence par préciser une date escamotée dans le lectionnaire du dimanche. L’Évangéliste écrit: Six jours après, Jésus emmène trois disciples sur une montagne. Six jours plus tôt Jésus avait annoncé sa Passion et précisé que pour le suivre il fallait porter sa croix. Ces sombres propos avaient plombé le moral des disciples. Convaincus d’avoir fait un bon choix, ils avaient tout quitté pour suivre Jésus dans l’espoir qu’il était celui qui rendrait à Israël sa liberté et sa dignité. Et voici qu’il leur proposait d’assumer un échec. Du coup, le doute s’était insinué dans leurs cœurs.
Six jours plus tard, sur une montagne, lieu traditionnel des manifestations divines, une expérience lumineuse dissipe la grisaille. À travers celui qui va à la mort et leur parle de croix ces hommes voient transparaître la divinité. Elie (les Prophètes) et Moïse (la Loi) évoquent la longue marche de l’humanité à sa rencontre.
Une nuée les enveloppe, signe de l’insaisissable présence divine. Venue d’ailleurs, la même voix qui s’était fait entendre au baptême de Jésus, confirme et rassure: «N’ayez pas peur, vous avez fait le bon choix. Il est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le, faites-lui confiance.» Bouleversés, ravis les disciples n’ont qu’un désir, s’installer dans ce bonheur pour ne jamais en sortir. Pierre est prêt à organiser le campement. Il rêve, dit l’Évangile, car la routine quotidienne va bien vite reprendre ses droits et les disciples ne verront plus que le Jésus des jours ordinaires, celui qui les entraîne vers la Passion et la croix. Dans leur cœur, pourtant, tout a changé.
Ballottés entre consolations et désolations, alternant entre des moments de déprime, de découragement, de repli sur soi, de ferveur, d’ouverture, de paix, nous avançons sur des montagnes russes. Comme les disciples, nous ne voudrions habiter que les bons moments, alors que le quotidien nous rattrape. Si nous ne voyons pas le Christ dans son habit de gloire, ni même dans sa tenue de tous les jours, sa Parole nous reste pour dissiper le doute et ranimer la confiance. «Écoutez-le» dit la voix intérieure. Lorsque dans l’ordonnance de nos journées l’Évangile donne la parole au Christ, il colorie notre rapport aux personnes, aux événements et à nous-mêmes. Dès lors, dans nos cœurs, la joie et la paix réinvestissent le terrain, l’espoir, la confiance et l’amour reprennent de l’élan. Ces moments de consolations témoignent que nous sommes sur notre bon chemin.
« Entre hauts et bas » (Mc 9,2-10) – Méditation à partir de l’Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 26 février 2024