Ce monde déçu et décevant, troupeau désorienté et abattu ne tient pas ses promesses de bonheur. Une société en état de désolation, minée par la lassitude, la fatigue, le scepticisme. Guerres, inégalités sociales, qualité de vie insalubre, vengeance de la nature maltraitée, tant de raisons de déchanter. Et ce n’est pas la course aux palliatifs (la drogue, l’alcool, l’argent, la fête et les voyages à bas prix) qui permettra de s’en sortir.
La moisson est vaste et les ouvriers trop peu nombreux. Dans nos régions le nombre des prêtres sera bientôt insuffisant. Faire appel au maître de la moisson pour qu’il envoie du personnel qualifié, le conseil est certainement bon puisqu’il vient du Seigneur. Mais aussi longtemps qu’on s’en tiendra au statu quo du modèle sacerdotal il pourra servir d’oreiller de paresse pour ceux qui misent sur de nouvelles vagues de prêtres saisonniers et qui estiment que l’annonce de l’Évangile est l’apanage de spécialistes ordonnés.
Tout disciple est invité à retrousser ses manches pour travailler à la moisson. S’il n’est pas demandé à chacun de resusciter des morts, de guérir des malades incurables ou de mettre en fuite des diables, chaque baptisé est responsable de faire reculer les frontières du mal par ses choix de vie, les valeurs qu’il défend et les causes pour lesquelles il milite. Chacun à sa manière et à son rang est appelé à rendre plus tangible et crédible une part de ce bonheur appelé le royaume des cieux. La tâche a beau se heurter à la fragilité humaine, elle n’autorise pas à se retirer sous sa tente.
Tout dépend du regard porté sur la société. Foin du froid coup d’œil du statisticien ou du sociologue, de celui plus racoleur du journaliste ou du politicien. Seul un regard plein de tendresse et de compassion, un regard ému qui ébranle « jusqu’aux tripes » comme celui de Jésus motive pour l’embauche.
«Dieu a besoin des hommes» (Mt 9,36-10,8) - Méditation à partir de l'Évangile de Pierre Emonet sj pour le dimanche 18 juin 2023.