Je trouve les tableaux de la famille d'artistes Brueghel incroyablement fascinants, remplis de détails qui invitent sans cesse à les redécouvrir. À chaque fois, je découvre un nouveau détail ; je souris à une scène comique que je n'avais pas remarquée jusqu'alors. Pourtant, au milieu des scènes animées de la vie villageoise et urbaine, les actions dépeintes ne font souvent pas rire, mettant en lumière de manière toujours aussi pertinentes aujourd’hui les côtés sombres de la société.
Peint par Pieter Brueghel le Jeune entre 1601 et 1625, le tableau Les sept œuvres de miséricorde illustre bien cette actualité. En partant du haut du tableau et suivant le sens des aiguilles d’une montre, nous découvrons différentes scènes de vie : Enterrement des morts, accueil des étrangers, soin aux malades, ravitaillement des affamés, distribution d’eau aux assoiffés ou bien encore, visite des prisonniers comme cela est décrit dans l'évangile de Matthieu et dans le livre de Tobie (Mt 25, 34-46 ; Tob 1, 17-20).
C'est une scène bigarrée avec des personnes d'âges et de classes sociales différents. Tout le village est réuni, et même le chien qui traverse la place du village. Les uns distribuent, les autres reçoivent. Tout semble se dérouler dans une certaine normalité. Or, en y regardant de plus près, des taches colorées sur les vêtements des pauvres gens se révèlent être des rapiècements, et l'homme paralysé au premier plan a les jambes grotesquement repliées sur le dos. Serait-ce là le symbole de conditions sociales «tordues» elles-aussi ? Ce n'est pas un tableau joyeux (comme le Mariage paysan de Pieter Brueghel l'Ancien), mais il nous rappelle notre responsabilité envers notre prochain.
Pieter Brueghel connaît bien cette réalité. Dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, les riches bourgeois et les commerçants vivent à proximité des travailleurs journaliers et de la population rurale chassée par la guerre d'indépendance contre l'Espagne. Aider les personnes dans le besoin est un devoir éthique chrétien. Les riches du tableau distribuent donc de leurs biens aux pauvres. Brueghel ne peint cependant pas ces derniers comme une masse anonyme et sans visage de "parasites sociaux", mais il les montre comme des personnes vivantes, avec des visages individuels et avec leur propre besoin.
J'aime l'humilité des riches qui tendent leurs mains vers les pauvres et courbent le dos. Ce n'est pas là une distribution d'aumônes par le haut. Malgré toutes les différences sociales, c’est un don d'égal à égal. Le maître de maison qui accueille les étrangers s'incline et enlève sa casquette, comme s'il se souvenait des paroles de Jésus: «Dans la mesure où vous l'avez fait au plus petit de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.» (Mt, 25, 40)
L'image montre aussi que la miséricorde n'est pas seulement une corvée à accomplir pour être récompensé par le Christ. Elle indique que c'est par la miséricorde que nous devenons une communauté. Personne n'est exclu, tous ont leur place sur la place du village. Toi aussi, tu en fais partie!
Travaillons donc à nos communautés et accueillons-nous les uns les autres. Je vous souhaite un temps de Carême béni!