Jésus a des amis et des amies qu’il fréquente volontiers, dont il est proche; il partage leurs joies et leurs peines. Mais le jour où son ami Lazare est gravement malade, ses sœurs ont beau l’appeler au secours, il ne se hâte guère au chevet de son ami. Autrefois déjà, à Cana, lorsque le vin manquait, il avait tardé à résoudre le problème. C’est que Jésus ne répond pas au 144, le numéro d’appel en cas d’urgence; il intervient à son heure, lorsque l’homme, confronté à ses limites, touche le fond, contraint de découvrir cette autre dimension de l’existence que Jésus appelle «la gloire de Dieu».
Face à la mort de leur frère, Marthe et Marie sont unanimes pour reprocher à Jésus d’avoir tardé de répondre à leur appel: s’il avait été là, leur frère ne serait pas mort! Elles incarnent toutefois deux manières de vivre le deuil. Marthe, en bonne croyante juive, «sait» que Lazare ressuscitera au dernier jour. En attendant, il ne lui reste qu’à assumer l’absence du défunt. Invitée par Jésus à faire un pas de plus, à consentir le saut de la foi, désormais elle «croit» que Jésus est la résurrection et la vie, qu’il est l’antidote de la mort au présent.
Marie, de son côté, est totalement enfermée dans son deuil et ne peut que pleurer et se lamenter. Inconsolable, elle n’a que ses larmes pour accueillir Jésus. Sa douleur, celle des personnes présentes, toute cette tristesse concentrée autour de la tombe bouleverse Jésus qui pleure, intérieurement révolté. À deux reprises, l’Évangile ne manque pas d’évoquer ce trouble intérieur, mélange de tristesse et de colère dit le texte original.
Jésus, l’homme de Nazareth, verse des larmes avec Marie et frémit d’indignation face à la mort de son ami. Celui que Marthe a reconnu comme le Fils de Dieu ordonne d’une voix forte à Lazare de sortir de sa tombe. Si homme et si Dieu, mystère de l’incarnation, prélude à sa propre Passion.
Pour ce dimanche 26 mars 2023 par Pierre Emonet SJ - «Ce Dieu capable de pleurer» (Jn 11,1-45)