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Albert Longchamp, un religieux ardent, un journaliste passionné

J’étais novice dans la Compagnie de Jésus à Fribourg quand ma mère m’envoya un texte de la Gazette de Lausanne réservé aux jeunes auteurs, il parlait de Jean-Paul Sartre. «Qu’est-ce que j’aime ce qu’écrivent les jeunes de ce temps!» m’écrivait-elle. «Il est à mes côtés, lui répondis-je, il s’appelle Albert Longchamp».

En effet, à une année de distance, nous-nous suivîmes dans des études de Lettres à Laval, de philosophie à Munich, de théologie à Lyon. Il prit ensuite la direction de la sociologie et fut engagé à la rédaction de Témoignage chrétien à Paris. A cette époque, la rédaction de Choisir à Genève traversait une crise. Le directeur, Raymond Bréchet, vint demander à Albert de prendre la direction du mensuel. Il me proposa de l’accompagner. Je quittais le domaine historique pour les cours de journalisme. Avec Jean-Bernard Livio, nous formions une équipe de quatre professionnels, qui s’avéra efficace.

Mais la responsabilité éditoriale ne suffisait pas à Albert. Il conservait ses liens avec Paris mais surtout développait des relations avec le tiers-monde, l’Amérique latine principalement. Il participait aux réunions de Puebla et Medellin, suivait les débats autour de la théologie de la libération, s’informait sur le meurtre de Mgr Romero et des jésuites du Nicaragua. Il était proche du Quart-Monde du P. Wresinski et des associations contre la torture. Il était chargé de cours d’éthique journalistique à l’université de Fribourg et publiait une série d’ouvrages sur des personnalités spirituelles comme s. Ignace de Loyola ou Anne de Xainctonge. Il rédigea également des livres plus engagés comme L’honneur perdu des évêques argentins en collaboration avec le pasteur Perrot, qui dénoncent les compromissions de l’épiscopat avec la junte militaire de Buenos Ayres.

Il quitte Choisir pour prendre la direction de L’Écho Illustré, un hebdomadaire romand. La parution correspond mieux à son désir d’être plus proche de l’actualité qu’avec le rythme mensuel. Sa prose incisive fit parfois grincer des dents dans les milieux conservateurs mais l’attachement à l’Église de ce catholique vaudois du district d’Echallens ne fit jamais défaut. Il se créa des amitiés durables dans les milieux associatifs et soucieux de justice sociale. Il s’engagea également dans le mouvement des journalistes catholiques.

L’Ordre lui confia également des responsabilités de supériorat, il devint même provincial. Mais cela ne correspondait pas à son charisme fondamental, il avait l’âme d’un globe-trotter qui doit aller observer le monde, là où les événements se produisent. Il avait lui-même souffert de mises en demeure de la part de la hiérarchie ecclésiastique, il était peu armé pour régler des situations difficiles. Ses dernières années furent assombries par des malheurs familiaux qui mirent à mal une santé déjà atteinte par l’usage immodéré de la pipe, considérée comme un outil aussi indispensable que l’ordinateur comme instrument de travail. L’émotion suscitée par sa mort montre combien ce prêtre si sensible à la misère humaine et si intéressé par le monde avait su se faire aimer dans les milieux les plus divers.

Cet article de Jean-Blaise Fellay sj a initialement été publié sur le site du journal Le Temps.

À son propos:

Né en 1941, entré chez les jésuites en 1961, spécialiste de l’Histoire de l’Église, était engagé comme directeur spirituel au Séminaire diocésain du Diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg et au Séminaire diocésain de Sion. Le Père Fellay a été rédacteur en chef de la revue culturelle choisir, directeur du centre interdiocésain à Fribourg, professeur à l'Institut Philanthropos et responsable du programme de formation du domaine de Notre-Dame de la Route à Villars-sur-Glâne.

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