• © geralt/Pixabay

Une «montée aux extrêmes» favorisée par le ciblage des Internautes

Mon coup d’épingle de la semaine dernière contre la Plateforme Facebook m’a valu des remontrances virulentes de certains Internautes. Ils me reprochent de ne pas comprendre que l’information fournie par un Internaute individuel qui clique sur telle vidéo ou telle publicité, n’a aucune valeur monnayable. Seule la masse des données en a une, qui suppose la mise au point d’algorithme et un travail d’ordonnancement qui mérite rémunération. Je n’en disconviens pas. D’autres Internautes ne comprenaient pas que j’associe ciblage publicitaire et «montée aux extrêmes».

J’épinglais simplement le fait que le ciblage ainsi opéré par la Plateforme, en enfermant chacun dans son idéologie, le détourne d’une vision plus large et renforce une logique médiatique perverse. C’est la leçon du célèbre tableau représentant une pipe peinte par Magritte, sous laquelle le peintre avait écrit «ceci n’est pas une pipe».

La logique de tout média -surtout lorsque ces médias, comme Facebook, vivent de publicité- c’est d’attirer le chaland par «la clarté du propos et le choc des photos». La clarté du propos confine le plus souvent au slogan, voire à l’interjection concentrée dans le titre. Le choc des photos procède, lui, de plus en plus, moins du choix du sujet, de l’angle de vue, de l’éclairage, … que des retouches. D’où la «montée aux extrêmes», pour pallier l’insensibilité des regards habitués. Je ne parle pas de l’intelligence artificielle qui permet aujourd’hui d’insérer dans un contexte totalement fictif non seulement l’image, mais le personnage lui-même, lui prêtant, inventées de toute pièce, des paroles portées par ses gestes habituels, le ton de sa voix, sa posture et tous les signes qui le font reconnaître du public.

 Le ciblage des Internautes opéré par les plateformes ne procèdent pas des fausses nouvelles avérées de ce type, mais d’un effet de cadrage qui enferme l’Internaute dans ses présupposés. Comme pour la pipe peinte par Magritte, chacun sait que photographies et vidéos sont des phénomènes sensoriels qui ne sont jamais la réalité qu’ils représentent. En revanche, le mensonge est plus subtil lorsque la réalité présentée est tronquée par la concentration des informations sur une seule opinion. C’est ce vers quoi aboutit le ciblage opéré par les Plateformes.

Aucun témoignage autre que ceux qui vont dans le même sens n’est plus alors recevable. Comme si toute opinion contraire à la mienne était mensonge. Et pourtant, dit la sagesse populaire: quand on n’écoute qu’une cloche, on entend qu’un son. Se répand alors l’idée d’un mensonge généralisé: «tous menteur !» (sauf, bien sûr, les sites qui ont ma préférence, et que les algorithmes des plateformes me servent à l’envi).
Hannah Arendt faisait remarquer que, dans ce cas, lorsque l’idée se répand que tout est mensonge, la population perd sa capacité de jugement et se laisse mener par le premier idéologue venu. C’est pourquoi me semble si dangereuse la «montée aux extrêmes» favorisée par le ciblage des Internautes.

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