• Portrait anonyme de Théodore de Bèze à l'âge de 24 ans, Genève, musée de la Réformation, XVIe siècle.

Théodore de Bèze, exégète protestant, par Jean-Blaise Fellay, historien catholique

La 19 octobre 2023 prochain, Jean‐Blaise Fellay donne une conférence dans le cadre du colloque ...Opus imperfectum in Matthaeum... Le texte dans son contexte, qui se tiendra à l'Université de Fribourg. Le titre de son intervention: L’édition de Cratander de 1525 comme témoin pour le début précoce de la Réforme à Bâle. «C’est dans son édition de Chrysostome en 1530 qu’Erasme démontre que l’Opus Imperfectum ne pouvait pas être l’œuvre de l’archevêque de Constantinople», rappelle-t-il. Le colloque est ouvert au grand public: https://bit.ly/48PHkdR

Dans la dernière partie de son intervention, Jean-Blaise Fellay sj fera mention de la disparition des références aux Pères grecs dans les annotations du Nouveau Testament latin de Théodore de Bèze en 1555.

Mais qui était Théodore de Bèze? Un théologien protestant du XVIe siècle, certes, mais encore? Un humaniste, professeur, traducteur de la Bible, mais aussi poète… Né en France, mort à Genève, il était, dit-on, le chef incontesté de la cause réformée dans toute l’Europe. En 1984, le Père Jean-Blaise Fellay sj lui consacre sdonc a thèse: «Théodore de Bèze, exégète: traduction et commentaires de l’Épître aux Romains dans les Annonciations in Novum Testamentum». Un document de plusieurs centaines de pages qu’il a réédité il y a cinq ans, et que vous pouvez lire en intégralité en cliquant en bas de page sur le PDF.

Pourquoi?
L’épître aux Romains de saint Paul est au cœur des débats du XVIe siècle. C’est à sa lecture que Luther découvre le thème de la justification par la foi seule, qu’il met au centre de sa prédication. Mais son autre affirmation, celle de l’autorité exclusive de l’Écriture, Sola Scriptura, provoque encore plus de débats. Non seulement avec l’Église catholique, mais aussi avec la Réforme radicale, les anabaptistes, les iconoclastes, les révoltés de Münster, qui mettent en cause non seulement l’Église mais aussi les autorités civiles, les princes et l’Empereur, au nom d’une lecture fondamentaliste de la Bible. Pour Jean Calvin, qui publie en français les grandes idées de la réforme luthérienne dans son Institution chrétienne, ce sont eux qui constituent le principal danger. Quand il revient à Genève en 1541, après en avoir été expulsé par les autorités pour avoir excommunié certains magistrats, il exige la mise en place de la Discipline ecclésiastique et l’institution du Consistoire qui donnent une réalisation concrète et rigoureuse de la doctrine réformée. Tout citoyen doit souscrire à une Confession de foi, suivre les enseignements bibliques bihebdomadaires, se voir contrôler par le Consistoire dans son comportement privé et public. Après l’expulsion des «libertins», les autorités genevoises sont tout entières acquises au programme du théologien. Cela fera de Genève la Cité-Église dont le rayonnement deviendra international.

Et Théodore de Bèze?
Il arrive à Genève en 1548, après sa conversion. Calvin l’envoie à Lausanne où les autorités bernoises ont créé une Académie pour former des pasteurs de langue française destinés à remplacer le clergé du diocèse de Lausanne. Bèze y enseigne le grec. C’est à ce moment que Robert Estienne, grand éditeur biblique parisien, vient rejoindre Calvin à Genève et lui demande une traduction latine annotée du Nouveau Testament pour remplacer celle d’Érasme de 1535. Calvin le renvoie à Bèze. Celui-ci va s’y atteler de 1550 à 1598, dans une série de rééditions qui vont en faire l’œuvre de sa vie. C’est un très bon connaisseur du grec et du latin et il a en main les meilleurs manuscrits du Nouveau Testament connus à l’époque. Il utilise abondamment le riche appareil de citations de Pères de l’Église d’Érasme, qu’il suit pas à pas. Mais il combat la plupart des interprétations de ces Pères, en particulier les Pères grecs, au profit de la lecture d’Augustin et de Jean Calvin. Il s’oppose aussi frontalement à un autre Genevois, Sébastien Castellion, autre traducteur biblique, à propos du châtiment des hérétiques et de la prédestination. Bèze réalise donc une traduction et des commentaires très conformes aux idées calvinistes et opposées à l’humanisme érasmien. Elles auront une longue postérité dans le monde réformé francophone mais aussi en Hollande et en Angleterre où elles influencent la version officielle du roi Jacques (King James Bible).

Auteur:

Né en 1941, entré chez les jésuites en 1961, spécialiste de l’Histoire de l’Église, était engagé comme directeur spirituel au Séminaire diocésain du Diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg et au Séminaire diocésain de Sion. Le Père Fellay a été rédacteur en chef de la revue culturelle choisir, directeur du centre interdiocésain à Fribourg, professeur à l'Institut Philanthropos et responsable du programme de formation du domaine de Notre-Dame de la Route à Villars-sur-Glâne.

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