Curieuse annonce: «La Confédération lance un sondage sur la numérisation de la Suisse». Je n’épingle pas le fait, car il me semble normal, même dans une démocratie, de récolter les opinions des citoyens sur les pratiques administratives qui touchent les assujettis, en particulier sur les pratiques innovantes. J’épingle les modalités présentées par les médias romans. Ce sondage aurait été réservé au public germanophone. (Le message est en allemand, ce qui est pour le moins curieux.) Plus encore, j’épingle les modalités de ce sondage; puisqu’il s’agit d’un sondage par Internet.
Si le cas est avéré, je ne peux que réprouver la légèreté des initiateurs de ce sondage. Car un sondage mené de cette manière est manifestement biaisé. S’il s’agit d’un sondage national, on ne voit pas très bien la raison pour laquelle les citoyens de Suisse italophones et francophones seraient interdits d’opinion. Mais, plus encore, si l’objet du sondage porte sur la numérisation de la Suisse, il conviendrait d’interroger non seulement ceux qui pratiquent le réseau Internet, mais également «les analphabètes du numérique». Sont d’emblée exclues de ce sondage -tel qu’il est présenté- les personnes âgées, les malhabiles ou ceux qui ont quelques raisons de tomber dans des embrouillaminis dus aux fausses manœuvres sur leur appareil; c’est si facile lorsque les doigts tremblent, ou même lorsqu’on ne maîtrise pas les codes usuels de ces appareils.
Pratiquer auprès des seuls usagers d’Internet un sondage par Internet sur les applications numériques des administrations, c’est comme pratiquer un sondage sur une opinion politique auprès des seuls sympathisants. On est certains de récolter un taux d’approbation record!
Je souhaite que la Suisse ne tombe pas dans l’erreur jacobine et centralisatrice de la France qui, selon les technocrates qui la dirigent, veulent réduire toutes les relations entre les citoyens et l’administration à des rapports informatiques. Cette prétention technocratique procède d’une attitude suffisante qui semble ignorer les bugs informatiques et les montagnes à soulever lorsqu’il faut faire corriger les erreurs administratives dont pâtissent les assujettis.