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Gabriella Guglielmi est venue de Suisse pour témoigner de sa foi© Christian Ender/SJ-Bild

Sa foi est restée intacte

Gabriella Guglielmi, jeune italienne de 30 ans originaire d'une petite ville des Pouilles, dans le sud de l’Italie, était l’une des invitées du Symposium des jésuites de l’ECE 2023. A cette occasion, elle a témoigné, aux côtés d’autres jeunes issus de différentes régions de la Province d’Europe centrale, de ses expériences et de ses engagements au sein de l'Église. Un témoignage fort, que nous partageons ici, à retrouver aussi dans le dernier numéro du magazine Jesuiten.
À la manière jésuite, elle a divisé le reflet de ses expériences en trois points.

L'Église dans le sud de l'Italie

«Dans ma ville natale de 20'000 habitants, il y avait cinq paroisses dans lesquelles officiaient une dizaine de prêtres (dont beaucoup sont décédés depuis et n’ont pas été remplacés). Jusqu'à mon vingtième anniversaire, mon monde commençait dans ma paroisse et finissait dans ma paroisse. Je peux dire que j'ai grandi à l'ombre du clocher de mon église, comme beaucoup d'autres jeunes. Et je pourrais vous parler pendant des heures de cette église et de cette communauté magnifique. Dans le groupe d'enfants de chœur, j'étais l'une des rares filles. Quatre de mes amis d’alors, parmi les plus proches, sont aujourd'hui prêtres.

Un jour, mon curé me dit: "Gabri, si tu étais un garçon, je t'aurais déjà envoyé au séminaire". Il me connaissait et savait que ma place ne pouvait pas être dans un monastère. Il savait aussi que dans nos structures italiennes -où seul le curé est salarié, les autres membres étant bénévoles- il n'y avait pas de place pour moi à long terme.
Avec le temps, mon désir de vivre pour ma paroisse et d'en assumer la responsabilité aurait dérangé ceux qui me connaissaient pourtant depuis mon enfance et m’avait vue grandir, mais qui projetaient sur moi une image d’épouse, de mère ou de religieuse.
Les gens n'auraient pas su me situer. Et je n'avais pas le courage de l’expliquer et je n'avais même pas les mots pour le faire. Mais mon curé avait vu juste, je voulais être plus «pour» ma paroisse. Je n'avais pas les moyens de l'être et je ne savais pas non plus à l'époque quel était le rôle adéquat pour le faire.

Arrivée en Suisse

Je suis arrivée en Suisse il y a cinq ans. Je ne parlais pas d'autre langue que l'italien. Je me suis vite rendu compte que la façon dont les gens vivaient l’Église ici était très différente de celle que je connaissais en Italie. À côté de la paroisse Saint-Joseph de Bâle, qui ressemblait pourtant à ma paroisse d'origine, j'ai rencontré des laïcs, ou plutôt des baptisés (hommes et femmes), qui dirigeaient des communautés, participaient à des célébrations interconfessionnelles avec des prêtres catholiques et des pasteurs réformés. J'entendais parler de système dual, d'administration de l'Église, de conseil paroissial... Mon esprit italien chaotique ne pouvait pas comprendre toutes ces structures et mes yeux n'étaient pas habitués à voir de "simples" baptisées assumer la responsabilité de certaines paroisses.

Un jour, on m'a proposé de travailler comme catéchiste dans une paroisse. Mais comment était-il possible d’associer les mots "travail" et "foi"? Comment ma foi pouvait devenir une source de revenus? J’avais du mal à comprendre. Lorsque les premières factures de l'assurance maladie sont arrivées, j'ai compris que je n'avais pas le temps de philosopher, car je devais les payer dans les trente jours. Maintenant, je travaille depuis deux ans comme collaboratrice pastorale dans une mission de langue italienne et je suis une formation de formatrice d'église à Lucerne, à l'Institut Reuss.

Comment je me sens aujourd'hui, à la lumière de mes expériences et surtout après avoir découvert la spiritualité ignatienne en Suisse?

Quand je jette un regard en arrière sur mon histoire en Italie, je suis reconnaissant à ma paroisse de m’avoir appris ce que signifiait œuvrer pour une Église sainte. Cette douce image de ma communauté d’origine m'accompagnera pour toujours. Et à chaque fois que je ressens la même joie dans d'autres paroisses que celle que j’ai ressentie dans ma paroisse en Italie, je sais que je suis en face de la sainte Église.

En Suisse, j'ai trouvé des paroisses, et surtout des personnes, qui m'ont permis de revivre l'expérience de la sainte Église. J'ai appris aussi ici quelque chose de plus important encore : croire que même si une certaine forme d'Église s'effondre, le royaume de Dieu reste, continuera à fleurir et aura besoin de collaborateurs.

Après avoir découvert la spiritualité ignatienne, je la conseille à tous ceux qui veulent travailler pour le Royaume de Dieu de suivre les Exercices spirituels. Ils m’ont fait découvrir qu'il y avait un centre qui anime tout, un centre vers lequel je peux toujours revenir, un centre qui est en moi, et en dehors de moi. Plus je suis proche de ce centre en moi, plus je suis capable de reconnaître sa présence dans le monde. Ce centre s'appelle Dieu. Votre spiritualité m'a libéré de la peur de perdre mon Église et m'a redonné la certitude que l'Église du Seigneur existera toujours. Ma mission est de m'enraciner toujours plus en Lui, afin de pouvoir Le reconnaître aussi en dehors de moi, là où Il fait germer son Église.

Tout n’est pas rose en l’Église

En Suisse, j'ai réalisé que je devais défendre le sacerdoce, et malheureusement, j'ai aussi appris à le détester. J'ai réalisé que je devais défendre la prêtrise, car dans certaines paroisses germanophones, les prêtres sont presque considérés comme « le mal absolu » et ne servent qu'à remplir le tabernacle d'hosties consacrées. Je ne suis pas naïve et mon expérience au sein de l’église m’a également appris que les abus psychologiques de prêtres pouvaient bel et bien exister. En toute sincérité, je ne sais pas ce que cela signifiera d'être prêtre dans quinze ou vingt ans, mais je suis sûre que le simple fait de changer le sexe d'un pouvoir ne signifie pas automatiquement qu'il s'agira d'un pouvoir plus vertueux.

Peut-être sommes-nous appelés à nous pencher sur une nouvelle signification du sacerdoce, entrer dans une nouvelle ère des communautés ecclésiales. Peut-être devons-nous être prêts à accompagner une Église qui se meurt, ce que je vois aussi bien en Suisse qu'en Italie, même si c'est à un rythme différent. Mais aussi à ouvrir les yeux pour percevoir les endroits où une nouvelle forme d'Église est déjà en train de naître.

Pour obtenir des réponses, inutile de choisir entre l'ancien et le nouveau. Des paroisses traditionnelles peuvent refleurir qui remettent au centre leur appartenance commune au Christ et redécouvrent en cela leur appartenance à l'Église. De nouveaux lieux voient cependant le jour dans le monde, des communautés qui partagent le même centre d'intérêt, mais sous une forme différente. Et ce n'est pas à eux seuls de démontrer qu'ils suivent le Christ, mais aussi à nous de les reconnaître comme chrétiens, même s'ils se trouvent "hors" des murs de Jérusalem et ne correspondent pas à notre schéma ecclésial.

Chers jésuites, vous êtes pour moi un point de repère dans ce processus, car je pense que vous avez les outils nécessaires pour reconnaître les nouveaux chrétiens et les accompagner, ou plutôt partir avec eux.

Gabrielle Guglielmi, avril 2023
Collaboratrice pastorale de la mission catholique de langue italienne à Aarau

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