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Panique face à des rentes vieillesse incertaines

Selon un sondage fait au début de cet été par l’Institut de recherches économiques et sociales M.I.S Trend pour Le Temps, le système de prévoyance vieillesse apparaît plus sombre aux yeux de nos compatriotes suisses. Le système des trois piliers inspire encore confiance, mais seul le troisième pilier résiste à l’érosion. Selon les opinions largement majoritaires récoltées par le sondage, l’AVS semble l’élément le plus vulnérable du système. La confiance dans la pérennité de la prévoyance professionnelle s’érode également. Du coup, la proportion de ceux qui misent sur le troisième pilier grandit ces dernières années; la préférence s’y manifeste d’ailleurs pour les investissements les plus solides plutôt que pour les investissements dits «éthiques» qui privilégient les aspects écologiques, sociaux et de gouvernance. Bref, quatre Suisses sur cinq s’attendent à voir baisser leur niveau de vie lorsqu’ils quitteront la vie active, et feront tout pour palier à cette éventualité quitte à monétiser leur patrimoine pour conserver le même niveau de dépense.

Les conditions économiques justifient en partie cette crainte. La mondialisation profite désormais davantage à l’Asie qu’aux économies occidentales. Qui plus est, les pressions de l’Europe sur la Suisse, et le diktat de l’Union européenne relatif à l’accord-cadre dont l’enjeu était de pérenniser les accords bilatéraux, jouent également dans le sens du pessimisme. Européen et mondial, cet environnement économique moins porteur pèse nécessairement sur les rentes. Car une rente est un revenu lié à une situation juridico-sociale (la vieillesse ou l’incapacité reconnue), à une position géographique ou statutaire (la nationalité), à un droit de propriété, qui ne sont qu’indirectement les conséquences directes d’un travail ou d’un investissement technique. La rente dépend donc entièrement de la santé économique ambiante. Toute appréhension relative à l’économie à venir explique donc assez naturellement le pessimisme manifesté par les sondés.

Certes, l’avenir n’est pas écrit, et les projections économiques dans le futur se révèlent souvent hasardeuses. Mais il s’agit ici d’opinions ressenties et traduites dans les réponses à un questionnaire. Ce sentiment est d’autant plus vivement ressenti qu’il se greffe sur deux phénomènes contemporains, l’un physique, l’autre culturel. Concernant le physique, le vieillissement de la population accentue la peur de voir ses habitudes bouleversées et son niveau de vie amoindri. Concernant le culturel, la protection sociale de mieux en mieux organisée depuis un siècle a ancré dans les esprits l’idée d’une sécurité de vie pérenne, capable de compenser efficacement les aléas économiques et physiologiques. On s’habitue très vite à ces avantages. Envisager de les voir rognés provoque d’emblée une certaine répulsion instinctive.

Le philosophe dirait que «tout coule», et que le changement et l’instabilité sont les lois les plus fondamentales de la nature. La sagesse est donc de s’y plier sans réticence; ce qui est la meilleure manière de de retrouver la paix de l’âme. Mais Blaise Pascal faisait remarquer que toute la philosophie et tous les raisonnements ne suffisent pas pour retrouver la quiétude. Il ne reste donc qu’à affronter avec pugnacité le défi, réagissant, dans les trois niveaux possibles: personnel, socio-économique et politique… cette dernière étant la plus grande forme de la charité.

 

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