• © Flickr/Catholic Church of England and Wales/CC BY-NC-ND 2.0

Ne plus regarder le «péché de la chair avec une loupe»

«Tout le monde est appelé à vivre dans l’Église», insiste le pape François dans ses échanges avec les jésuites rencontrés au Portugal le 5 août dernier. Dans une conversation rendue publique par la revue jésuite La Civiltà Cattolica le 28 août 2023, le pape s’exprime notamment sur l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Église catholique relève cath-info.

Le pape profite traditionnellement de ses voyages à l’étranger pour rencontrer à huis clos les membres de la Compagnie de Jésus du pays. Le jeu de questions-réponses entre les jésuites et le premier pape issu de la Compagnie est publié quelques semaines plus tard dans la revue des jésuites italiens La Civiltà Cattolica.

Dans cette conversation, un jésuite portugais travaillant en milieu étudiant confie au pontife que certains jeunes homosexuels catholiques ne considèrent pas, «en conscience», que leurs relations sont pécheresses. «Pouvons-nous dire qu’ils sont tous dans l’erreur», demande-t-il notamment au pape. Sur ce sujet, le catéchisme de l’Église catholique explique que «les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés» et appelle les personnes homosexuelles «à la chasteté».

«Il est évident qu’aujourd’hui, le thème de l’homosexualité est très fort», reconnaît le pape François. «Mais ce que je n’aime pas du tout, en général, c’est que nous regardions le soi-disant ‘péché de la chair’ avec une loupe, comme nous l’avons fait pendant si longtemps avec le sixième commandement [Tu ne commettras pas d’adultère, NDLR]».

L’accompagnement pastoral «demande beaucoup de sensibilité et de créativité»

Le pape dénonce ensuite une certaine hypocrisie qui a pu se répandre dans l’Église: «Si vous exploitiez des travailleurs, si vous mentiez ou trichiez, cela n’avait pas d’importance. En revanche seuls comptaient les péchés en dessous de la ceinture», déplore-t-il.

Il s’agit pour le pontife d’appliquer pour chaque personne «l’attitude pastorale la plus appropriée». Il assure par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’être «naïfs» ou «superficiels» en «forçant les gens à adopter des choses et des comportements pour lesquels ils ne sont pas encore mûrs, ou dont ils ne sont pas capables». Il ajoute encore que l’accompagnement spirituel et pastoral «demande beaucoup de sensibilité et de créativité».

«Je n’ai pas peur de cette société sexualisée» Pape François

Ces paroles du pape François font écho à celles prononcées dix ans plus tôt dans l’avion qui le ramenait des JMJ de Rio de Janeiro à Rome. Répondant à un journaliste, il avait manifesté son approche pastorale concernant les personnes homosexuelles: «Si une personne est gay et qu’elle cherche le Seigneur et qu’elle est de bonne volonté, qui suis-je pour la juger?».

Aux Jésuites portugais, le pape François rappelle avoir convié des personnes transsexuelles à venir écouter les audiences générales au Vatican. «La première fois qu’elles sont venues, elles pleuraient. Je leur ai demandé pourquoi. L’une d’entre elles m’a dit: ‘Je ne pensais pas que le pape pouvait me recevoir!’».

L’examen de conscience, une arme contre la pornographie et le cléricalisme

Interrogé sur la façon dont les religieux peuvent affronter le défi d’une société consumériste et où la sexualité est partout, le pape confie ne pas avoir peur de cette société «sexualisée». Devant ces problèmes qui font surface, le pontife brandit un remède: «l’examen de conscience» pour «voir ce qui se passe en vous».

Se remémorant un discours fait aux prêtres de la Curie romaine, il redonne la question qu’il avait alors posée: «Voici quelque chose que vous ne dites pas, à savoir l’utilisation des téléphones portables et de la pornographie sur les téléphones portables. Combien d’entre vous regardent de la pornographie sur leur téléphone portable?». Et de rapporter un commentaire ultérieur d’un prêtre de la Curie: «On voit qu’il a passé des heures dans le confessionnal». Autrement dit, le pape est au courant de ce qui se vit au Vatican et dans le monde.

Dans leurs échanges, le pape reviendra à de nombreuses reprises sur la nécessité d’un «examen de conscience sérieux» et quotidien afin de rester «en alerte». Comme souvent, il met en garde contre le «cléricalisme» et la «mondanité» qui s’immisce dans la vie consacrée. Il répète par ailleurs que des laïcs peuvent aussi tomber dans ces travers. Ils sont alors «effrayants».

«L’esclavage, jadis toléré par certains papes, ne l’est plus désormais» Pape François

Le pape François insiste aussi sur l’importance de la prière, n’hésitant pas à utiliser des images parlantes pour illustrer son propos. «Lorsqu’un jésuite ne prie pas, il devient un jésuite desséché. Au Portugal, on dirait qu’il est devenu ›une morue’».

«La doctrine n’est pas un monolithe»

Interrogé par un jésuite désolé des critiques de certains évêques américains à propos du pape François, ce dernier confie que la situation aux États-Unis n’est «pas facile». «Il y a une attitude réactionnaire très forte, organisée», s’attriste-t-il. «À ces personnes je veux rappeler que ‘l’en arrièrisme’ est inutile et qu’il faut comprendre qu’il y a une juste évolution dans la compréhension des questions de foi et de morale».

Comme il l’a fait par le passé, le pape reformule alors une parole de saint Vincent de Lérins qui indiquait au Ve siècle: «La doctrine progresse, se dilate avec le temps, se consolide et s’affermit, mais toujours en progressant». Pour illustrer son propos, le pape cite le fait que l’esclavage, jadis toléré par certains papes, ne l’est plus désormais, tout comme la «peine de mort» qui ne peut plus être pratiquée. «Il est faux de considérer la doctrine de l’Église comme un monolithe», insiste-t-il.

«Le Synode n’est pas mon invention»

Au terme de la conversation, le pape François confie la joie qu’il trouve dans la préparation du Synode sur l’avenir de l’Église. Alors que la première session romaine doit s’ouvrir en octobre, le pape rappelle qu’il n’est pas le créateur de ces assemblées. «C’est Paul VI, assure-t-il, à la fin du Concile, qui s’est rendu compte que l’Église catholique avait perdu la synodalité».

Il met en garde contre une mauvaise interprétation de cette synodalité qui ne doit pas être comparée à un processus démocratique. «La synodalité ne consiste pas à rechercher des votes, comme le ferait un parti politique», souligne-t-il, insistant sur l’importance de «laisser l’Esprit guider les choses». (cath.ch/imedia/hl/rz) 

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