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Naïveté Helvétique

Bien que ne faisant pas partie de l’Union européenne, la Suisse contribue d’une manière non négligeable (plus de 1,3 milliards de francs, soit 1,2 milliards d’euros) au développement des pays les plus pauvres de l’Union. Certes, il ne s’agit pas d’une contribution directe au budget européen. Les sommes versées ne transitent pas par Frankfort; elles vont directement aux pays concernés, pour des projets nommément désignés et contrôlés par Berne.

Cette contribution est le fruit de la loi fédérale du 26 novembre 2006 «sur la coopération avec les États d’Europe de l’Est». Dix États ayants adhéré à l’Union en 2004 étaient à ce moment-là éligibles à cette dotation; à quoi s’est ajouté, après l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, un deuxième crédit-cadre de 257 millions CHF; puis, en décembre 2014, un apport d’un montant de 45 millions CHF en faveur de la Croatie, membre de l’Union depuis le 1er juillet 2013.

En 2016, selon un comité d’évaluation indépendant, la plupart des projets européens financés par la Suisse dans les pays ayant adhéré à l’Union en 2004 ont trouvé une issue satisfaisante. À cette date, restaient encore en chantier des projets bulgares et roumains qui devaient se terminer en 2019 et, pour la Croatie, devrait se terminer en 2024.

Le renouvellement de ces dotations provoquent des remous au parlement helvétique. Et cela se comprend. Car, après la rupture des négociations touchant l’accord-cadre entre l’Union européenne et la Suisse, le 26 mai dernier, les relations entre les deux partenaires ne sont pas au beau fixe. De surcroît, le choix par l’armé helvétique de l’avion de combat F35 américain -de préférence au Rafale français- a quelque peu envenimé les choses, même si les européens sentent bien que, dans ce cas, il s’agit moins d’une mesure de rétorsion que d’une soumission helvétique aux volontés de l’«ami» américain. Et j’espère que la rupture brutale par l’Australie du mirobolant «contrat du siècle» portant sur l’achat de sous-marins à la France, peut déciller les yeux des européens sur le jeu international ambigu et la fiabilité douteuse de l’Oncle Sam.

Quoiqu’il en soit de l’interprétation critique que je donne à la politique étrangère américaine d’aujourd’hui, le débat autour du renouvellement de la dotation helvétique aux pays les plus pauvres de l’Union européenne ne peut guère être tranché sans hésitations. «Naïveté ou geste d’apaisement?» titre un journal genevois. S’agit-il d’une action humanitaire publique sans autre arrière-pensée que de favoriser le développement des pays pauvres les plus proches -une sorte de «prochain» évangélique (celui dont on s’approche) à l’échelle des nations? S’agit-il d’amadouer l’Europe et de la conduire à nuancer sa position tranchée concernant l’accord-cadre (ce serait, me semble-t-il, bien peu crédible)? S’agit-il de naïveté qui conduit à financer son ennemi? Chacune de ces positions peut se défendre.

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