Luc Ruedin sj sur les pas de Thérèse d'Avila

«Nombre de personne identifient la méditation aux voies orientales ou à la méditation de pleine conscience. Elles occultent ainsi tout un pan de la riche tradition chrétienne», relève le Père Luc Ruedin sj dans l’introduction de son dernier ouvrage paru cet automne aux éditions Parole et Silence: Saisis par Dieu, une lecture du "livre des demeures" de Thérèse d’Avila. Un opus consacré au maître-livre de la Sainte, Le Château intérieur, qui «en des pages vivantes et lumineuses décrit l’itinéraire de l’âme vers Dieu» et dont le jésuite propose une relecture.

«Lire le château intérieur, c’est être invité à bâtir à son tour son intériorité spirituelle en découvrant le colloque que Thérèse tient avec elle-même et avec Celui qui l’habite», relève le Père Luc Ruedin sj dans son introduction. «Ce chemin se différencie à la fois des méthodes et du but des voies orientales. Il est une manière de «disposer l’âme pour écarter de soi tous les attachements désordonnés et, après les avoir écartés, pour chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie en vue du salut de son âme» (1). Ce n’est pas le moindre effet de cette voie de méditation chère à l’Occident chrétien.

Bon à savoir: Luc Ruedin donne, du 24 au 28 mai 2020, une retraite-sesshin selon la méthode de Franz Jalics sj baptisée «La prière du cœur et le Château intérieur». Plus d'infos ici

Ci-dessous, nous vous proposons en lecture l'introduction du livre de et par Luc Ruedin sj

L’hyper connexion au virtuel qui déconnecte de la réalité et remodèle les dépendances intensifie la quête de l’essentiel. Livrés à eux-mêmes dans une société liquide qui dégrade les idéaux de la totalité et du long terme remplacés par les valeurs de la satisfaction individuelle instantanée, nos contemporains cherchent, dans un monde devenu pluriel, une voie qui tient la route. Se rapporter aux grandes figures de la tradition mystique pour fonder et déployer une identité spirituelle stable et heureuse devient urgent et vital. Ceci d’autant plus que, vivant dans un monde immanent d’où la Transcendance est exclue, ils risquent de s’identifier et de se réduire à leur sensibilité, leurs émotions, leur intériorité.

Or l’homme passe l’homme !

Confrontés au manque et à la perte du sens, ils cherchent donc par les diverses méthodes de développement personnel à combler leur vide existentiel et à s’épanouir. Par leur inévitable côté technique et la logique consumériste qui les animent, ces méthodes risquent en convertissant l’ascèse en stratégie et en confondant les moyens et la fin de les mener dans l’impasse.

Plus et autrement qu’une méthode, la méditation est sans doute la voie royale vers l’intériorité et la plénitude recherchée. Omniprésente dans notre société, nombre de personnes l’identifient aux voies orientales ou à la méditation de pleine conscience. Elles occultent ainsi, par ignorance, tout un pan de la riche tradition chrétienne. Or, existent autant de types de méditations qu’il y a de traditions religieuses et spirituelles. Nous décrirons à grands traits les caractéristiques des voies orientales pour les distinguer de celles de l’Occident. Nous profilerons ainsi leurs orientations respectives pour esquisser ensuite l’oraison thérésienne.

Nous parcourrons alors Le Château intérieur, maître-livre de Thérèse d’Avila qui en des pages vivantes et lumineuses décrit l’itinéraire de l’âme vers Dieu. Plus précisément nous observerons la transformation de la manière de fonctionner des puissances de l’âme que sont la mémoire, l’intelligence et la volonté. Nous découvrirons alors que l’union au Seigneur leur donne de s’exercer de manière nouvelle. Naissant à Dieu, il est en effet donné au mystique mû par le dynamisme divin, de vivre dans la plus grande liberté. Outre la description précise du lâcher-prise et de l’abandon de soi par l’appel et l’attrait exercé par le Tout-Autre, cette approche comporte l’avantage de repérer, conduits par Thérèse, les passages cruciaux, les sauts et les ouvertures d’un itinéraire mystique chrétien. Excellente pédagogie de la prière qui sera ainsi décrite et que l’oraison carmélitaine trace en caractères de feu!

«Te connaître, me connaître», n’est-ce pas la voie que la Madre, à la suite de St Augustin, a choisie?

Elle lui a fait découvrir le Maître qui habite son âme. Ayant fait l’expérience dans la foi qui donne de connaître (2), de la Présence de Dieu, Thérèse explore son intériorité à l’aide de la métaphore du château. À la fois pur cristal et place forte, il permet de faire pleinement droit à la condition spatio-temporelle de l’homme. L’image est parlante! Elle permet à Thérèse d’explorer son intériorité spirituelle car «l’identité de l’homme ne peut se former, ni subsister sans un rapport au lieu, et le soi suppose toujours un “chez soi” fut-il changeant». (3) Lire le château intérieur, c’est être invité à bâtir à son tour son intériorité spirituelle en découvrant le colloque que Thérèse tient avec elle-même et avec Celui qui l’habite. Le lecteur entrera alors en dialogue avec lui-même et avec Celui qui plus intime que l’intime de lui- même et plus élevé que les cimes de son âme, demeure dans le fond de son être.

S’esquissera alors le portrait du mystique chrétien qui s’aventurant à la rencontre de son Seigneur découvre que la vraie vie est toujours simultanément «dans le secret engendrement d’une parole libre» (4), une naissance à Dieu et à lui-même. Ce chemin se différencie à la fois des méthodes et du but des voies orientales. Il est une manière de «disposer l’âme pour écarter de soi tous les attachements désordonnés et, après les avoir écartés, pour chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie en vue du salut de son âme» (1bis) Ce n’est pas le moindre effet de cette voie de méditation chère à l’Occident chrétien.

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