• © Hans Braxmeier de Pixabay
© Hans Braxmeier de Pixabay

«L’inflation est un miroir aux alouettes»

La banque centrale européenne (BCE) vient d’annoncer qu’elle tolèrera désormais une inflation «un peu supérieure à 2% par an». C’est une nouveauté. Jusqu’ici le refrain visait «un peu moins de 2%», cible qu’elle avait d’ailleurs du mal à atteindre. Heureusement, la banque nationale suisse (BNS) ne cherche pas -et l’économie suisse n’a pas besoin- à suivre ce mauvais exemple. En effet l’inflation est un miroir aux alouettes.

L’inflation monétaire n’est en effet bénéfique qu’à deux conditions: la première étant lorsqu’il y a des capacités de production inemployées, et la serconde lorsque la compétitivité du pays est supérieure à celle de ses partenaires commerciaux (ou lorsque le pays vit en quasi autarcie). À défaut, l’inflation entraîne une perte de compétitivité, au détriment de l’emploi national. De plus, l’inflation monétaire est une drogue qui anémie l’économie lorsque les capacités de production sont utilisées à plein,  ou en présence de goulots d’étranglement qui limitent la croissance de la production au niveau de ce que peut fournir le secteur le plus saturé. Dans ce dernier cas, l’inflation allège les dettes réelles des entreprises et des États emprunteurs, favorise les investissements plus risqués et moins rentables, déstructure le système de prix qui ne traduit plus alors les besoins réels de l’économie. Les effets sociaux ne sont pas moins pervers: l’écart des patrimoines s’élargit, les personnels bénéficiant d’un statut favorable protègent leurs revenus tandis que les épargnants sont floués et les fonds de pension ont du mal à honorer leurs engagements, sauf à prendre des risques démesurés.

Le danger de l’inflation en Europe est-il réel? Oui. Est-il durable? Les banquiers centraux pensent que non -mais peuvent-ils dire autre chose? Depuis mars 2020, la BCE a racheté mille cent quinze milliards d’euros d’actifs (dettes d’États et d’entreprises), au titre du plan d’urgence lié à la pandémie de la Covid-19. Elle est en train de distribuer aux pays européens les sept-cent trente-cinq milliards d’emprunts européen. L’inflation est de 2,5% en Allemagne en ce milieu d’année et, aux dires de la Bundesbank, pourrait atteindre 4% sur un an. Des prévisions chiffrent une inflation de 3% pour l’Europe. Aux USA l’inflation a atteint 4% dès le mois de juin 2021, et déjà la hausse des taux outre-Atlantique se répercute en Allemagne.

Contrairement à la Banque nationale suisse, la Banque centrale européenne ne jouit pas de la même liberté de manœuvre pour lutter contre l’inflation. La raison en est la divergence économique entre les pays de l’Union. Pendant que l’Allemagne voit avec une certaine anxiété le retour de l’inflation, la Grèce continue à connaître une baisse des prix qui ne favorise pas sa reprise économique. De plus, une politique plus restrictive de la part de la BCE renchérirait la charge de l’énormes dette des pays les plus endettés -dont l’Italie et la France. C’est pourquoi la Présidente de la BCE, Christine Lagarde, fait comme les généraux qui ne peuvent plus tenir en main leur troupe. En écho à la cantilène de la FED américaine -selon laquelle l’inflation sera temporaire- ne pouvant plus commander à l’inflation, elle fait mine de l’accepter, voire de la diriger.

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