Les Hackers du vote électronique

«Étant venu tard à la culture numérique je me suis toujours méfié des systèmes électroniques. J’ai toujours quelques appréhensions lorsque je paie avec mon smartphone dont l’intelligence –si j’en crois l’étymologie du mot– me semble plus proche de la bêtise mécanique que de la faculté de juger. Les arnaques ont poussé vers le renforcement des procédures de vérification, mais nul ne peut garantir la sécurité pérenne des systèmes de paiement ou de votation électronique.

»Ce dernier point notamment a touché la Suisse depuis que, en 2019, des failles furent mis au jour. Depuis lors, “tous les projets de scrutin en ligne ont été suspendus”. Mais, aux dires du même journal genevois, avec la bénédiction de la Chancellerie fédérale, “la Poste a cependant poursuivi l’aventure. Elle développe à Neuchâtel un système mieux sécurisé qu’elle soumettra à des hackers”, et annonce le retour du vote électronique pour 2022.

»J’épingle dans cette information l’idée de soumettre le “système mieux sécurisé” à des hackers. Le mot hacker désigne au premier chef un mordu d’informatique; mais très vite, il en est venu à désigner des pirates qui savent jouer avec la complexité des systèmes électroniques pour s’infiltrer et tirer profit de leur manipulation. Les relations commerciales et interindividuelles se méfient des pirates qui opèrent pour leur propre compte au point que les autorités publiques incitent les entreprises et les particuliers à renforcer leur défense en ce domaine. Mais, dans les relations internationales, il faut compter non seulement avec les pirates, mais également avec les corsaires, des privés qui opèrent pour le compte de l’État –avec l’aide de, ou du moins avec la bénédiction de l’État– tout en en tirant un profit substantiel. Et je ne parle pas des officines publiques qui interfèrent avec les systèmes de gestion pour déstabiliser les Services publics étrangers.

»Quoi qu’il en soit, pour tester la sécurité d’un système, faire appel à des gens classés parmi les plus dangereux dans ce domaine, n’est-ce pas introduire le loup dans la bergerie? Je ne le pense pas. C’est un mal nécessaire. Un mal, car rien de prouve que tel de ces hackers recrutés par la Poste, seul ou de connivence avec quelques-uns de ses collègues, n’en profitera pas pour marquer le système. Nécessaire, car il faut s’assurer les services des plus compétents. Les Services secrets ont adoptés depuis longtemps cette pratique. Comme pour les faux billets de banque, il convient d’être en avance d’une technique. Course à la sophistication, c’est une course sans fin dont la sécurité –toujours promise, jamais définitivement acquise– est l’enjeu. La fragilité de notre société en est le prix.»

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