J’ai la chance d’être en bordure d’une réserve naturelle fédérale. J’ai toujours une paire de jumelles sous la main. C’est un bonheur, le matin, de jeter un coup d’œil sur les pentes qui dominent le chalet. Il y a là plusieurs trous de marmottes, au printemps, les petits jouent dans l’herbe. Au cours de la journée, les sentinelles, posées sur un rocher, surveillent les environs. Cela permet aux autres de se vautrer au soleil dans leur manteau de fourrure.
Eh bien, depuis deux ans, plus rien de cela. Plus de marmottes, plus de passages de chevreuils. Le vieux bouc de chamois qui faisait sa ronde en fin d’après-midi a disparu. Même le renard qui traversait parfois le pré, en déclenchant les sifflements indignés des marmottes, ne se montre plus. Plus grave encore, les vaches qui paissaient derrières le hameau ont brisé les barrières et sont redescendues au village en pleine nuit. Du jamais vu. Des veaux dans un parc fermé ont sauté par-dessus les barrières et erraient à l’aube sur la route. L’un d’eux est tombé dans une gorge, il a fallu l’aide d’un hélicoptère pour sortir son cadavre. La cause? Le loup, qui se promène sur les chemins à la tombée du jour, effrayant les passantes. Ou observant, en pleine journée, une cueilleuse de champignons dans son coin à chanterelles préféré.
Au mois d’avril, un troupeau de bouquetins est encore descendu des hauteurs pour brouter les premières pousses vertes, mais il s’agissait seulement de gros mâles à cornes. Ils n’ont pas l’air de craindre le prédateur, mais tous les autres animaux se cachent, à part les aigles et les écureuils. Un vrai désastre écologique.
