• Capture d'écran de l'émission de la Rai3

Le Pape à la télévision

Dans un article récent de La Stampa, Lucetta Scaraffia, connue pour avoir fondé le mensuel féminin de L’Osservatore Romano –et à ce titre surnommée «la féministe du Vatican»–, se désole. La raison? La participation du pape François à «Che tempo che fa» (littéralement «Le temps qu’il fait») une émission populaire de la télévision italienne Rai 3. Le pape devient une célébrité médiatique comme ils en existent beaucoup d’autres, dit-elle. (Elle pourrait ajouter qu’il risque de passer de mode comme beaucoup d’autres.) Cet argument sert de vecteur à l’idée de préserver le caractère sacré de cet illustre personnage religieux.

Les esprits indifférents ou facétieux verront dans cette médiatisation populaire une tentative de l’Église pour ne pas disparaître tout à fait de l’espace public. D’autres, en revanche, y verront une tentative plus ou moins bien réussie d’inculturation dans le monde contemporain. D’autres enfin y verront une tactique politique interne au Vatican: mobiliser l’adhésion populaire pour forcer la Curie à prendre le tournant voulu par le pape. Les trois raisons peuvent se combiner.

Ce que j’en pense? Trois choses. D’abord, en participant à une émission populaire de la télévision italienne, le pape prend le risque de se faire manipuler. Certes, il peut sans doute encore compter sur la bienveillance des journalistes. Mais ceux-ci doivent en permanence lutter contre la tentation de faire du buzz en provoquant une tempête dans un verre d’eau en montant en épingle quelque propos spectaculaire voire choquant. Dans le même sens, le pape doit se méfier de ses propres paroles devant les journalistes, dont on a vu récemment –à propos de l’archevêque de Paris– qu’elles n’étaient pas toujours parfaitement maîtrisées.

Ensuite, je pense qu’il ne suffit pas d’être présent sur un plateau de télévision pour traduire adéquatement le message dont le pape à la charge. J’en dirais autant de ces vicaires de paroisses ou de ces pasteurs qui attirent les jeunes en bourrant leur culte de musique syncopée. Comme pour les cultes musicaux qui sont souvent un concert sous prétexte de culte, ou les matchs de football entrelardés au milieu d’une après-midi de catéchèse, les participants ne retiennent que la beauté de la musique ou le défoulement dans le ballon, laissant l’essentiel à la porte.

Enfin, je pense que Lucetta Scaraffia a tort de faire porter son argument sur le caractère sacré du personnage. Certes, comme beaucoup de prêtres et de pasteur(e)s, le pape est consacré, c’est à dire qu’il a une fonction à part –et, disent les catholiques, irremplaçable– dans le service de l’Église et du monde. Mais –il en est conscient– le pape François ne s’est jamais considéré comme détaché de l’humanité qu’il veut servir. Mieux encore, il a dénoncé dans cette sacralisation le germe du cléricalisme qui a fait tant de torts à l’Église. Comme Augustin d’Hippone il pourrait dire «Pour vous je suis évêque, avec vous je suis baptisé».

Newsletter

Das Magazin „Jesuiten“ erscheint mit Ausgaben für Deutschland, Österreich und die Schweiz. Bitte wählen Sie Ihre Region aus:

×
- ×