Joyeux Noëls

La devanture d’un marchand de fringues, rue Edouard Herriot à Lyon, m’a attiré l’œil. L’habituel souhait des fins d’année «Joyeux Noël» était mis au pluriel. Ces Joyeux Noëls m’ont interrogé. Le laïcisme ambiant qui domine en France aurait tendance à occulter le mot Noël qui apparaît encore, pour les plus âgés de nos concitoyens, comme une fête chrétienne, la Nativité (de Jésus), d’où vient le mot Noël.

C’est en souscrivant à ce large courant d’abstention religieuse que, pour ne pas prêter le flanc à une affiche à tendance encore trop marquée, certains commerçants, ainsi que maintes municipalités, se contentent d’un abstrait «Joyeuses fêtes». On ne sait plus trop quelle fête il s’agit de célébrer, celle de Noël le 25 décembre, celle du nouvel an occidental le premier janvier, celle des familles qui se retrouvent autour de bonnes bouteilles pour les vacances d’hiver, celle des enfants auxquels le généreux saint Nicolas (de Myre, l’un des ancêtres du Père Noël – et non de Flue, cher aux cœurs des Helvètes) apportait des cadeaux lors de sa fête du 6 décembre, celle des Lumières (anticipée à Lyon qui a récupéré la fête de l’Immaculée conception du 8 décembre).

Mais au fond, «qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse»; qu’importe le prétexte puisque désormais on ‘fait la fête’ comme on ‘fait la sieste’, sans qu’il soit besoin de trouver un prétexte, sinon celui de savourer un moment de plaisir. C’est un peu comme les ‘journées’ décrétées par quelque autorité: journée de la femme, journée de la solidarité, journée de la paix, journée du handicap, du peuplier ou du muguet … ou décrété sans autorité à la manière du Black Friday ou d’Halloween, surgis du cerveau de quelques bons communicateurs.

À l’expérience, on découvre qu’aucun événement naturel, historique ou sociologique n’est vraiment nécessaire pour célébrer une fête. La fête fait l’événement, comme naguère la présence de la télévision lors que l’inauguration d’un pont à Montpelier.  Ce qui faisait dire à l’un de mes amis:

 «Vous, les curés, vous êtes vraiment très forts; vous avez réussi à placer une fête chrétienne au beau milieu de la fête de Noël.»

Tout compte fait, chacun peut trouver en soi-même de bonnes raisons de fêter les Noëls (au pluriel). Ces raisons sont diverses –chacun a la sienne– mais qu’importe!  

Est-ce si vrai?

Car seuls quelques Happy Fews peuvent faire la fête dans la solitude; et personne, à ma connaissance, peut faire la fête dans l’isolement. Il me reste à souhaiter que les raisons que chacun choisit répondent à ses aspirations les plus profondes, et le Noël qu’il choisit déborde de bonne volonté.

Auteur:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013. Il est en outre membre du conseil de rédaction de la revue culturelle suisse choisir.
Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là ? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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