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Gruyère AOP © Ailura/Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 at

Gruyère, mon bon Gruyère!

«La Cour fédérale de justice de l'État de Virginie aux USA a estimé que le mot Gruyère était un mot générique, et que n’importe quelle société agro-alimentaire étaient libres de commercialiser du fromage sous ce nom.» J’épingle cette information, et je pourrais me contenter de la commenter d’une seule petite phrase: la suffisance américaine a encore frappé, qui -ici comme dans beaucoup d’autres domaines- veut imposer ses façons de voir et sa loi au monde entier!

Le même journal d’information précise: «La Cour a estimé que le gruyère n'avait pas besoin d'être fabriqué dans la région éponyme. La raison: ce produit est devenu tellement populaire que son nom est aujourd'hui un mot générique pour désigner n'importe quel fromage.» Le New York Times, ne craignant pas l’incohérence, explique que, selon la loi américaine, une marque ne peut être donnée à un terme générique. CQFD. C’est comme si je disais: la marque frigidaire étant devenu un terme générique (un nom commun et non pas un nom propre) pour désigner en France un réfrigérateur, n’importe quel fabriquant peut utiliser le nom de Frigidaire pour commercialiser ses réfrigérateurs. Bref, permettre à n’importe quel producteur de fromage d’utiliser la marque Gruyère, c’est ni plus ni moins qu’un vol, au détriment des producteurs de Gruyère, en Suisse.

Terroir et territoire

Certes, les géologues parlent du «jurassique» pour désigner une ère géologique qui ne concerne pas simplement le Jura. Mais la montagne qui borde l’Est de la Suisse depuis Genève jusqu’à Bâle n’a aucune prétention pour vouloir se transplanter ailleurs pour y attirer les touristes.

Je retiens l’explication qui déconnecte le fromage de Gruyère de son territoire d’origine. Cette explication étale aux yeux du monde entier l’ignorance en matière de production alimentaire, sinon de toutes les Américaines et tous les Américains, du moins du juge qui a formulé ce jugement inique, T.S. Ellis III. (Les mauvaises langues diraient que ce n’est pas étonnant, vue la décrépitude de la cuisine américaine.) Ce juge ignore manifestement ce qui fait le bon goût du fromage: c’est à la fois l’herbe -et donc le terroir-, la race de vache productrice de lait, et l’affinage. Les meilleurs fromages ont des protocoles très strictes pour qu’ils puissent arborer l’étiquette prestigieuse.

On me dira que le juge ne fait que prendre acte de la confusion du consommateur américain qui ne sait pas distinguer ce qui est fade de ce qui est goûteux. Mais le juge, qui est supposé dire la loi, est-il là uniquement pour bénir les dérives de la foule, au mépris de la justice?

 

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