Le Père David Neuhaus, supérieur des jésuites de Terre sainte depuis 2019, coordonne la pastorale auprès des migrants et des demandeurs d’asile en Israël. Le religieux alerte sur la précarité des travailleurs étrangers, particulièrement après le 7 octobre.
«Israël est un pays pour l’immigration, pour les réfugiés, pour les pauvres, s’ils sont juifs», affirme David Neuhaus dans une interview publiée le 6 mai 2024 sur Vatican News. Le professeur d’Écriture sainte se préoccupe depuis longtemps des conditions de vie des migrants économiques en Israël. Ce pays accueille en grand nombre des travailleurs venus d’Inde, de Thaïlande, des Philippines ou encore du Kenya, afin de pallier le manque de main d’œuvre locale. Ces employés étrangers évoluent dans des conditions précaires, sur les chantiers ou dans les champs israéliens, à des fonctions autrefois dévolues aux Palestiniens. Les nouveaux arrivants, souvent chrétiens, ont l’avantage de «ne pas mener d’agenda politique», note David Neuhaus.
Précarité en hausse avec la guerre à Gaza
Leurs conditions de vie préoccupent aussi bien des syndicats d’Asie du Sud que l’Église catholique de Terre sainte. Cette dernière tente de leur fournir un accueil, une protection, ainsi qu’une forme de promotion et d’intégration sociale. David Neuhaus alerte en particulier sur la précarité des enfants qui naissent en Israël dans les communautés de migrants. «Il n’y a ni pensée, ni système, pour régler le statut de ces enfants qui n’ont pas choisi de venir, mais qui sont nés en Israël», déplore le jésuite, lui-même de nationalité israélienne.
Une précarité qui ne s’est pas améliorée avec l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza qui en a résulté. Alors que plusieurs employés étrangers se sont fait enlever par le groupe armé, les conditions de travail sont difficiles et dangereuses pour ceux qui ont dû retourner œuvrer dans les exploitations agricoles autour du territoire palestinien.
Accueil spirituel pour les migrants
L’Eglise locale s’efforce de demander pour les travailleurs étrangers davantage de droits, surtout dans le cas des enfants qui n’ont pas de statut. Ces derniers peuvent fréquenter les écoles, mais n’ont pas de documents, et donc pas d’avenir. «Nous avons une présence forte, excellente dans la société palestinienne arabophone, mais pas encore dans la société israélienne pour ce type de population. Nous y œuvrons», souligne David Neuhaus.
L’Eglise en Terre sainte s’efforce également d’offrir aux migrants un accueil spirituel en mettant à disposition ses lieux de culte et en en ouvrant de nouveaux dans les secteurs où ils sont les plus nombreux.
«L’ethnocentrisme» d’Israël en question
Pour le religieux de Terre sainte, la problématique des travailleurs étrangers touche «la nature ethnocentrique de l’État d’Israël». Pour le jésuite, c’est une question que les juifs doivent se poser, «en lisant leurs Écritures qui constituent pour eux une base mythologique, qui les lie avec cette terre». «Avec un thème fréquent dans la Bible qui est ›Je vous donne cette terre à la condition que vous soyez fidèles aux principes de la Torah’. Des juifs pensent bien sûr cette question, mais un État, avec ses intérêts, son économie, ses luttes conflictuelles et idéologiques, ne le fait pas toujours», regrette David Neuhaus. (cath.ch/vaticannews/arch/rz)