Association St-Boniface: 100 ans de présence à Genève

Cyrille Moreau, directeur du Centre St-Boniface de Genève @ SJ-Bild/Céline Fossati
Le groupe des étudiant(e)s de la résidence en 2022 @ CStB
Clocher de la chapelle de l'antenne ignatienne de St-Boniface.

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15.06.2023

Nous célébrons cette année le centenaire de la création de l’Association catholique romaine de Saint-Boniface (aujourd’hui association Saint-Boniface) qui gère à Genève le Centre et sa résidence pour jeunes étudiant(e)s du même nom. Les jésuites de Suisse romande en font partie depuis des décennies. Retour sur histoire et témoignages.

Résidence pour étudiants situé au cœur de Genève, l’œuvre jésuite Saint-Boniface héberge plus de 120 jeunes garçons et filles de 18 à 28 ans issus du monde entier. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Tout comme la résidence n'a pas toujours été située à l’avenue du Mail 14 et n’a pas toujours été une œuvre jésuite.

Son origine remonte à la fin du XIX^e siècle. À cette époque, les Alémaniques installés dans la Cité de Calvin ressentaient le besoin de faire communauté et de s’ancrer afin de favoriser la formation des jeunes. Ils se sont donc rassemblés en une paroisse catholique. Cette communauté pastorale (Verein der Kirchgemeinde St-Boniface dirigée notamment par Silvia Meier, responsable de la coordination communautaire, et Ulrike Teigeler, responsable de la coordination paroissiale) est toujours bien présente, mais juridiquement distincte de l’Association Saint-Boniface.

Présence jésuite

Un premier jésuite a rejoint la communauté germanophone peu après la création de l’Association catholique romaine de St-Boniface en 1923 (voir chronologie en encadré), et juste avant l’achat des parcelles permettant la construction de la première partie du foyer (1927). Malgré leur interdiction de Suisse*, entre 1847 et 1973, les jésuites ont toujours été présents comme le souligne le site du Centre: «La communauté des jésuites les a rejoint discrètement et les a soutenu dès le début du XX^e siècle. Cet engagement les unira secrètement durant plus de 60 ans.»

Les directeurs jésuites se sont succédés, du Père Wilhelm Geser sj (1916) au Père Max Zürny sj (1981). Mais c’est aux religieuses de la Congrégation de Menzingen (Zoug) que sera confiée tout d’abord la gestion quotidienne de la pension pour jeunes filles durant cinq décennies (1917-1968). Leur congrégation –épaulée au cours des dernières années par la congrégation des Sœurs de Ste-Dorothée de Lucerne– quittera Saint-Boniface en 1975.

Présence contemporaine

Dès l’année 1989, la succession d’un Père jésuite à la direction du Centre St-Boniface n’est plus possible. Les pensions de jeunes s’internationalisent, la gestion de l’institution est alors confiée à une équipe laïque. «C’est sans doute un tournant pour l’Association aux charges financières communes qui regroupe des secteurs d’activités très indépendants les uns les autres: résidences, espace culturel et salles de conférence, d’études, de sports, ainsi qu’une chapelle.» Les jésuites restent pourtant bien présents au sein de l’Association et en conserve encore la présidence aujourd’hui.

La résidence Saint-Boniface héberge aujourd’hui des jeunes primo-arrivants à Genève qui débutent un cycle d’études (Bachelor, Master ou PhD) à l’Université, ou dans une HES/So. Ils sont accueillis par le directeur Cyrille Moreau et son équipe administrative très appréciée des jeunes qui parfois quittent le «nid familial» pour la première fois. Nous avons rencontré quatre d’entre eux et proposons leur témoignage ci-dessous.

Heureuse de pouvoir célébrer sa foi à deux pas de sa chambre

Marta García Arauzo

D’origine espagnole, Marta est en Suisse pour suivre un master en neurosciences à l’Université de Genève. Pourquoi avoir choisi Genève? Elle avait gardé de la Ville et de la résidence Saint-Boniface un excellent souvenir lors de son échange Erasmus en 2021. Ainsi, lorsqu'il a fallu choisir un lieu pour poursuivre son cursus universitaire, Genève s’est imposée comme le lieu idéal.
«Ici, je peux à la fois suivre mes études et vivre ma foi. Je suis chrétienne et avoir la possibilité de résider dans une résidence jésuite qui offre des messes dans la chapelle adjacente – dont l’une spécialement dédiée aux étudiants le mercredi soir et célébrée par le Père Bruno sj – est idéal pour moi! L’atmosphère ici est bienveillante. On croise des étudiants de toutes nationalités et de toutes confessions. Il y a une très bonne ambiance entre nous. Des soirées sont organisées, notamment en début d’année pour faire connaissance, une spéciale fête des Rois et une autre spéciale fondue, sans oublier le barbecue de fin d’année universitaire pour dire au revoir à ceux qui partent. Au cours de l'année, nous nous voyons parfois et déjeunons ensemble dans la grande cuisine accessible à tous les résidents.
Tous les étudiants ne choisissent pas de séjourner à Saint-Boniface en raison de son caractère chrétien, mais nombreux sont ceux qui reviennent pour son accueil chaleureux, son administration efficace et son emplacement idéal en plein cœur de Genève. Un plus qui pourrait être proposé? Il serait bien de créer ici, à Saint-Boniface, un groupe de spiritualité ignacienne pour les jeunes! Ce serait vraiment top!»

Le début d’une belle histoire d’amour

Clément et Naomi @ SJ-Bild/Céline Fossativ — Clément et Naomi @ SJ-Bild/Céline Fossati

Clément Terrettaz

Il a rencontré sa future femme à la résidence. Originaire du Sri Lanka, elle était alors étudiante en master d’Histoire. Clément était apprenti dans une grande entreprise internationale après avoir dû abandonner sa carrière militaire à la suite d’un grave accident. Touché par son histoire, le directeur du foyer avait décidé de lui proposer un hébergement: «J’ai accepté de l’accueillir à la résidence dans le cadre des préférences apostoliques jésuites 2019/2029, que j’ai lancée dès 2019: «Accompagner les jeunes vers un avenir porteur d’espérance».
Le lien entre Clément et Naomi est si fort qu’ils se sont unis à la mairie un an après leur rencontre à Saint-Boniface, et ils projettent de se marier à l’Église dans un future proche. «Au Sri Lanka, le mariage civil n’est pas reconnu comme étant davantage que des fiançailles…» (…) «Quand j’ai rencontré ma femme, elle envisageait de devenir sœur dominicaine. L’Histoire était sa passion, et elle l’étudiait aussi dans le but de devenir enseignante en entrant dans les ordres… Et pourtant, elle a choisi de m’épouser! J’espère être à la hauteur tout au long de notre vie pour qu’elle ne regrette jamais son choix!»
Le jeune couple ne vit plus à la résidence, mais en gardent un souvenir lumineux et empreint de reconnaissance. «Le foyer est le lieu idéal pour faire des rencontres interculturelles: on y échange aussi bien des points de vue que des recettes de cuisine. J’ai tout de suite mesuré la chance que j’avais de pouvoir faire toutes ces riches rencontres. Mon plaisir était d’aller à la rencontre des autres résidents et leur demander comment ils vivaient dans leur pays d'origine, quelle était leur vie quotidienne, ce qu'ils mangeaient...Je trouve cela fascinant. Nous sommes restés en contact avec certains d'entre eux et avons même créé des groupes WhatsApp.»

La face lumineuse de la pandémie: un temps de communauté fraternelle

Mathilde Bolduc

Elle est arrivée en Suisse de son Québec natal en 2020, en pleine pandémie, pour suivre un master en études internationales et en développement, avec une spécialisation en développement durable, à l’IHEID (Institut de hautes études internationales et du développement). Mathilde savait que la résidence était une œuvre jésuite. Et même si elle se dit athée, elle s’est toujours sentie à sa place ici. S’il est vrai que les propositions de messes ne revêtent pas une grande importance pour elle, les moments de partage amicaux avec les autres résidents sont une source de bonheur. Et durant la Covid, ils ont été nombreux! «Être "confiné" sans être seul, c’est quand même appréciable!» Elle poursuit: «On a tous de bons souvenir ici. C’est un endroit important dans une période charnière de nos vies où on construit son avenir en s’émancipant. On se sent tous chanceux de vivre à Saint-Boniface!»
À l'âge de 25 ans, la Québécoise va devoir quitter la résidence St Boniface dans laquelle un(e) étudiant(e) ne peut rester plus de trois ans. Est-elle triste de devoir partie? «Je l’étais un peu, au début», confie-t-elle. «Aujourd’hui, je me dis que c’est une opportunité pour découvrir autre chose. Je vais rester à Genève pour terminer mes études, en espérant trouver un logement en colocation pour la rentrée.» Que gardera-t-elle de son passage à Saint-Boniface? «Ce qui est incroyable ici, c’est que toutes nos idées pour favoriser le vivre ensemble sont prises au sérieux, et souvent acceptées. Cela a été encore plus vrai durant la pandémie de Covid. Nous avions envie de jouer à des jeux de société pour passer un moment convivial en plein confinement, ni une ni deux, la direction a abondé dans notre sens! Et les propositions d’organisation d’événements par les jeunes pour favoriser les liens entre eux sont toujours bien accueillis.»

De champion du monde de karaté à réfugié-étudiant en relations internationales

Deni Khalidov

Alors qu’il était sacré champion du monde de karaté, Deni aurait-il pu imaginer qu'il deviendrait réfugié en Suisse quelques années plus tard? En 2022, alors qu'il travaillait comme expert juridique à Odessa, en Ukraine, après avoir obtenu son baccalauréat en droit, la guerre a éclaté. Son frère et lui ont fui et se sont retrouvé en Suisse, à Lucerne. Son frère y est encore, étudiant à l’École hôtelière. À 23 ans, Deni a décidé de reprendre des études en relations internationales à Genève. Mais trouver un logement s'est avéré difficile.
«La résidence Saint-Boniface a été une bénédiction pour moi. J’errai à la recherche d’un lieu propice où je pourrais me poser pour me concentrer sur mon examen d’entrée à l’Université de Genève en relations internationales. On m’a accepté ici et j’en suis très reconnaissant. C’est une vraie chance ! Le directeur, Cyrille Moreau, m’a beaucoup aidé dans mes démarches administratives et dans mes premières acquisitions du français».
«Je suis musulman et je savais que Saint-Boniface était un lieu chrétien. Mais ce n’est pas un problème pour moi. C’est une richesse que de côtoyer des étudiants du monde entier dans un ville internationale comme Genève, avec lesquels partager nos expériences de vie, échanger sur nos visions du monde, de l’économie, de la politique. J’espère sincèrement pouvoir rester à Saint-Boniface durant mes trois ans d’études. La seule chose qui me manque ici, c’est ma famille.»

Une histoire singulière

Chronologie de l’œuvre jésuite de Saint-Boniface

Fin 1881 : 1^ère célébration de la communauté germanophone Saint-Boniface avec l’abbé J. Gaspard Blanchard à la rue de l’Arquebuse. La communauté sera déplacée à la rue Jean Calvin en 1884.
1^er juin 1885 : Fondation du Gesellenverein, association d’ouvriers et de compagnons du travail.
1916 : Le Père Wilhelm Geser sj de Gossau (SG) reprend la direction de la communauté St-Boniface; fondation de deux associations féminines et de la pension pour jeunes filles.
1917 : Arrivée des premières religieuses de la Congrégation de Menzingen (canton de Zoug).
1923 : Création de l’Association catholique romaine de St-Boniface.
1925 : Fondation du Jungmännerverein (l’association de jeunes hommes).
1927 : Le Père Walter Amberg sj de Lucerne prend la succession du Père Geser sj.
1927 : Achat de la 1^ère parcelle à l’avenue du Mail 14.
1928 : Achat de la 2^ème parcelle au 11 et 13 de l’Avenue du Mail.
1928 : Pose de la 1^ère pierre de la chapelle.
1929 : Les religieuses de Menzingen prennent la direction de la pension de jeunes filles de l’avenue du Mail 14 qui reprennent également en 1935 la direction de la pension de la rue Colonel Coutau 5 ouverte en 1933.
12 janvier 1930 : Première célébration et bénédiction par l’évêque Marius Besson de la nouvelle chapelle.
1946 : Nouvelle direction à St-Boniface. Le Père Ebneter sj d’Arbon (SG) succède au Père W. Amberg sj à la tête de Saint-Boniface.
1961 : Le Père Otto Stöckle sj de St.Gall succède au Père Ebneter sj, mort subitement.
Fin 1961 : Achèvement des bâtiments du Home et de l’immeuble avenue du Mail 14B.
1963: Construction du clocher.
26 janvier 1964 : Bénédiction des 3 cloches.
1967 : Rénovation de la salle de théâtre, un art cher aux jésuites.
22 juin 1969 : Le Père Karl Thüer SJ de Bâle succède au Père Stöckle sj.
30 janvier 1972 : Bénédiction de la chapelle rénovée par l’évêque de Bâle Anton Hänggi.
1975 : Le Père Hubert Holzer sj de Gluringen (VS), vicaire, reprend la direction de St-Boniface.
10 juillet 1976 : L’évêque Pierre Mamie érige St-Boniface en paroisse pour les germanophones de Genève.
31 mai 1981 : Saint-Boniface célèbre ses 100 ans au Palais des Expositions; reprise de la direction par Max Zürny sj.
1989 : Départ des religieuses.
1990 : Monsieur Mario Odoni est nommé directeur du Centre Saint-Boniface. Ce sera le premier laïc à ce poste.
1991 : Nouvelle direction de l’association St-Boniface par le Père Locher sj à qui succèdent, en 1992, le Père Hug sj et le Père Volken.
1992 : Le Père Henri Volken est nommé curé de St-Boniface.
1998 : La salle de spectacle devient la salle de répétition de l’Orchestre de Chambre de Genève.
2001 : Départ de Mario Odoni qui est remplacé par Jean-Luc von Arx en tant que directeur du Centre Saint-Boniface.
2007 : Monseigneur Pierre Farine dissous la Paroisse St-Boniface qui devient une communauté pastorale (Kirchgemeinde).
2009 : La Haute Ecole de Musique devient l’utilisateur principal de la salle de spectacle.
2019 : Après le départ de Jean-Luc von Arx, Cyrille Moreau est nommé directeur du Centre Saint-Boniface.
Depuis plus de dix ans, des messes sont célébrées à la chapelle par le Père Bruno Fuglistaller sj trois à quatre fois par semaine, dont l’une spécialement dédiée aux étudiants le mercredi soir.
Le Père Joseph Hug sj est également étroitement lié à la paroisse Saint-Boniface et célèbre la messe avec la communauté germanophone de St-Boniface qui dit de lui qu’il est «un brillant prédicateur et un fin connaisseur du Proche-Orient. Certains paroissiens ont fait des voyages avec lui en Syrie, à une époque où cela était encore possible sans danger.»

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