Vous avez dit historique...

Les édiles genevois et les responsables de la sécurité sont tout frétillants à l’approche de la prochaine rencontre, mercredi 16 juin 2021 à Genève, entre le Président Poutine et le Président Biden. L’armée suisse y voit, paraît-il, une «opportunité de montrer ce dont elle est capable». N’étant pas un va-t-en-guerre, j’espère pour ma part qu’elle n’aura pas à le montrer.
Si d’aventure quelques trublions venait gâcher la fête, je suis certain que les forces de l’ordre sauraient se montrer à la hauteur. D’autant plus que le dispositif semble, visiblement, bien préparé autour de l’hôtel Intercontinental, malgré l’étroitesse des délais. Trois mille cinq-cents personnes sont mobilisées parmi les effectifs helvétiques, sans compter les agents discrets des grandes puissances en présences.

J’épingle le qualificatif d’«historique» collé à cette rencontre par les médias genevois. Évidemment, ce qu’il y aura d’historique mercredi prochain, ce n’est pas la présence dans le comité d’accueil de Frédérique Perler, maire de Genève, ni de Serge Dal Busco le président du Conseil d’État genevois; c’est la présence, sur le sol de la cité de Calvin, haut lieu de rencontres internationales, des chefs de deux États stratégiquement et militairement antagonistes, la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique.

J’ajoute deux sous dans la musique; et ce n’est pas pour doucher l’enthousiasme populaire ni pour regretter les désagréments de circulation que l’événement ne manquera pas de provoquer pour les citoyens et autres manants de Genève. Cette rencontre qualifiée d’historique ne l’est pas tout-à-fait. Les deux hommes se connaissent, et se sont déjà rencontrés lorsque le Président américain était vice-président. Rentrés chacun dans son pays, devant les médias locaux, ils n’ont pas ménagés les qualificatifs injurieux envers leur partenaire. Ce qui n’augure pas de résultats très encourageants de leur prochaine rencontre. De ce point de vue, la rencontre organisée jadis à Genève entre Gorbatchev et Reagan présentait une tout autre dimension historique.

De plus la rencontre d’aujourd’hui entre Biden et Poutine laisse dans l’ombre un grand absent, le Président chinois. Car les rapports stratégiques mondiaux ne sont plus ce que laissent penser cette rencontre de Genève, comme si nous étions restés à l’époque de la guerre froide. La politique américaine, suivie bêtement par celle de l’Union européenne, pousse la Russie dans les bras de la Chine. Les Américains feignent de croire que le danger vient de l’Est de l’Europe, alors que la Russie ne pèse économiquement plus grand’chose – à peine plus que l’Espagne – et qu’elle ne tire son aura que de son armement.

Il ne reste plus qu’à espérer que l’armée suisse n’ait pas à montrer ce dont qu’elle est capable et que la rencontre à Genève des deux puissances contribue à détendre l’hostilité pour éloigner le bruit des armes.

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