Le fils de Timée a perdu la vue. Sans autre monde que ce bord de chemin où, enveloppé dans son manteau comme dans sa misère, mendiant sa subsistance, il en est réduit à ce qu’il entend. Rumeur d’une foule qui passe avec Jésus de Nazareth, le prophète qui libère toute sorte de personnes victimes de la maladie, de leurs péchés, de l’intolérance des docteurs de la Loi. Ne serait-il pas le Messie, ce Fils de David dont les Écritures disent qu’il dessillera les yeux des aveugles, ouvrira les oreilles des sourds et fera bondir les boiteux (Is 35,5-6) ?
L’aveugle appelle au secours celui qu’il ne connaît que par ouï-dire. Agacés par ses cris, les bien-pensants qui voient clair, et prétendent connaître les conditions pour approcher Jésus, le rabrouent au risque de tuer en lui l’espérance : qu’il se taise, qu’il reste à sa place et accepte son sort sans nous casser les oreilles. Tant de bonnes raisons sont capables de décourager la prière lorsque la situation semble irréversible, si durablement bouchée. Rendu têtu par sa détresse, le pauvre homme n’en crie que de plus belle, jusqu’à renverser tous les obstacles, et se faire entendre de Jésus. La réponse vient à travers le désaveu de cet entourage trop raisonnable : plutôt que d’enfermer ce pauvre homme dans son désespoir, dites-lui que sa prière n’est pas vaine. Qu’il se redresse et se mette debout, comme qui ressuscite, et qu’il vienne à moi !
Larguant son manteau de misère, le fils de Timée bondit vers Jésus. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle est invité à reconnaitre son handicap, cette cécité qui lui interdit de voir le Christ. En le guérissant, Jésus lui fait remarquer que c’est finalement sa foi, sa confiance obstinée, qui l’a conduit vers la lumière.
Depuis son appel au secours jusqu’au moment de voir Jésus, l’aveugle a parcouru un chemin semé d’embûches. Sans céder aux bonnes raisons ou aux menaces qui tentaient de le décourager, sa prière et une confiance à toute épreuve lui ont permis de surmonter tous les pièges. Désormais clairvoyant, celui qui restait assis au bord du chemin enveloppé dans son manteau de misère se met en route à la suite de Jésus.
« Une confiance obstinée » (Mc 10,46-52) – méditation à partir de l’évangile par Pierre Emonet SJ pour le 30e dimanche du temps ordinaire.