Parler de royauté dans un pays sous occupation romaine est explosif. À part quelques roitelets à la solde de l’occupant, le titre est réservé à l’empereur de Rome. Conscients de tenir le bon grief pour faire condamner Jésus, les autorités du Temple l’accusent de comploter pour devenir roi. Face à cet adversaire potentiel de l’empire, Pilate enquête. Jésus le détrompe: ce sont ses adversaires qui parlent de son goût du pouvoir, de ses prétentions politiques. Lui-même a clairement pris ses distances comme il l’a prouvé lors de son séjour au désert, quand Satan lui proposait richesses, succès, et pouvoir politique. La seule primauté qu’il revendique est d’être témoin de la vérité, de montrer par sa manière de vivre et son enseignement le vrai chemin de l’homme: «Je suis le chemin, la vérité et la vie.»
Si Jésus a toujours refusé le pouvoir, tel ne fut pas le cas de ses disciples qui comptaient que leur maître restaurerait le royaume d’Israël dans lequel ils comptaient bien occuper les premières places. Jusqu’à la fin ils y ont cru, les deux pèlerins d’Emmaüs en conviennent. Cette fascination pour le pouvoir a traversé toute l’histoire de l’Église. Les splendeurs de la cour romaine, les intrigues et les alliances politiques des pontifes, les guerres de religion et les croisades, le contrôle des consciences et les bûchers, les magouilles politiques, autant de tentatives et de prétextes pour offrir au Christ un royaume de ce monde.
À Pilate et à tous ceux qui mêlent religion et politique, Jésus rappelle que sa seule manière de régner est d’engager sa vie et sa mort pour montrer le vrai chemin de l’homme. Au cours de son histoire – cette année encore – des crises et des scandales, de vrais effondrements, ont périodiquement ramené l’Église à sa vraie vocation. Loin de tout triomphalisme, honteuse, elle fait profil bas. Fêter le Christ Roi sur fond d’humiliations invite à mieux saisir l’enjeu du dialogue entre Jésus et Pilate.
Méditation à partir de l'Evangile pour la fête du Christ-Roi
«Un royaume qui n’est pas de ce monde» (Jn 18,33-37) par Pierre Emonet sj