Un diplôme universitaire pour «discerner le psy et le spi»

Moins connoté religieusement que la «cure d’âme» protestante ou l’antique «direction spirituelle» catholique, l’accompagnement spirituel pointe le bout de son nez dans les organismes de santé comme les hôpitaux psychiatriques. Il était temps. Dès 1943, le médecin épistémologue Georges Canguilhem –qui n’avait rien d’une grenouille de bénitier– ne définissait-il pas la santé comme la capacité de l’organisme à se transformer pour réagir aux infidélités (sic) du milieu ambiant. C’était déjà placer la santé au cœur d’une relation, c’est-à-dire dans la spirituel. Car le spirituel n’est pas autre chose qu’une relation fondée sur l’unité de deux éléments qui chacun, possède son identité propre, qu’il s’agisse du «milieu», du «partenaire», ou du «tout autre».

Sur cette base, certains hôpitaux helvétiques sont prêts, sinon à subventionner, du moins à accueillir parmi le personnel ce type d’accompagnants spirituels, plus neutres, plus acceptables semble-t-il, que les aumôniers détachés par les Églises habilitées. Pour mieux stabiliser le statut de ces personnels sui-generis, il a été mis en place des formations à l’accompagnement authentifié par un diplôme universitaire.

Certes, chacun sait que le diplôme ne dit pas grand’chose de la compétence réelle du diplômé. Surtout quand le savoir-être compte pour l’essentiel dans la thérapie. La question s’était déjà posée voici longtemps pour les professeurs, pour les psychologue cliniciens, puis pour les animateurs de colonie de vacance et d’animateurs de rue. Les diatribes n’ont pas manqué quand il s’est agi de reconnaître la profession de psychanalyste; car si l’on peut présenter ex-cathedra les théories de Freud, de Jung ou de Viktor Frankl, force est de reconnaître d’une cure psychanalytique, au fur et à mesure où elle s’approfondit, met au jour toujours davantage la singularité du sujet. Or la singularité n’est pas objet de science. Il n’y a de science que du général, disait Claude Bernard, le fondateur de la médecine expérimentale.

Quoi qu’il en soit, la caution universitaire sert de parapluie aux responsables qui ouvrent la porte de leurs institutions de santé aux accompagnateurs spirituels. Mais comment former ces accompagnateurs? Une initiative française montre un chemin. À partir de janvier 2022, un diplôme universitaire à destination des acteurs de paroisse, des communautés et mouvements mais aussi des praticiens, sera lancé par l’Institut catholique de la Méditerranée, en lien avec l’Université catholique de Lyon. L’initiative vient d’un curé psychanalyste qui, avec bon sens, veut former ceux qui sont en situation pastorale au contact des souffrances psychique «à discerner pour mieux définir ce qui relève de notre mission de chrétiens et ce qui relève des thérapeutes». Distinguer les champs et les domaines est en effet primordial pour ne pas confondre accueil et écoute pastorale, accompagnement spirituel et discernement éthique ou pratique, confession et entretien thérapeutique.

En Suisse romande, une formation diplômante à l’accompagnement spirituel est également envisagée. Les premiers jalons déjà mis en place semblent moins aboutis que la proposition française. Ils se présentent comme une réflexion argumentée autour de quatre thèmes: le sens, la transcendance, la valeur et l’identité. Nombreuses sont les interférences entre ces quatre thèmes. La valeur n’est-elle pas ce qui donne sens à un coût? l’identité n’est-elle pas cet horizon fuyant porté par l’environnement social de chacun? (On est ce que l’on devient.) Quant à la transcendance, tel le sens de la phrase, l’esprit d’équipe ou la volonté générale, elle ne peut pas être détachée de la contingence où chacun se débat. Bref, la subjectivité de ces apprentis-accompagnateurs sera pleinement sollicitée.

Au total, je ne cracherai pas sur ces formations, aussi formelles et lacunaires soient-elles; car elles permettront aux accompagnateurs de verbaliser leur pratique, et d’éviter les dérives psychologiques les plus grossières.

Photo  © Philippe Lissac/Godong

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