• Image promotionnelle du projet artistique «Deus in Machina». Transmise par la chapelle Saint-Pierre.

Tromperie religieuse ?

Un «hologramme céleste» (sic), un «avatar de Jésus» (sic), assez bien nommé par ses concepteurs «Deus ex machina» (sic) littéralement «Dieu venu par une machine» fut installé en août dernier, à titre d’expérience, dans La chapelle catholique romaine Saint-Pierre (Peterskapelle), située sur les berges de la Reuss à Lucerne.

Il s’agit simplement d’un Intelligence artificielle nourrie du catéchisme catholique à la sauce sagesse des nations, capable de répondre, comme ChatGPT, aux questions existentielles, liturgiques ou dogmatiques des utilisateurs. «Trouverai-je un jour le véritable amour ?» ; «Que se passe-t-il après la mort ?» ; «En ai-je fait assez pour aller au paradis?» En quatre mois, près de mille personnes venant d’un peu partout ont testé la machine. Les deux-tiers s’en disent satisfaits, le tiers restant trouvant bien banales et finalement décevantes les réponses de ce dieu incarné dans les fibres électroniques.

Peut-être pour éviter les foudres de l’autorité ecclésiastique, les initiateurs prétendent simplement qu’il s’agit là d’une sorte d’enquête de psychosociologie religieuse. Le but étant de sentir les interrogations spirituelles des utilisateurs, quelle que soit leur religion, leur nationalité, leur éducation. Le maître d’œuvre du projet prétend, selon le journal britannique The Guardian que «Deus in machina nous encourage à réfléchir de manière critique aux limites de la technologie dans le contexte de la religion». Sur le plan religieux, rien de plus neutre que cette phrase.

Bien que placée dans un confessionnal, cette machine n’est pas, comme diraient les sociologues, un «administrateur des biens de salut». Il n’y a donc rien de sacramentel (au sens de l’Église catholique) dans l’usage de cet «avatar de Jésus». En fait les médias qui ont fait part de cet événement insolite ont franchi le pas en prétendant que «dans une église de Lucerne, une IA permet aux fidèle ‘d’échanger avec Jésus’ (sic)». Je m’insurge contre cette prétention. Et cela pour deux raisons.

D’abord la représentation de Jésus n’est pas Jésus, qu’elle se présente sous une forme électronique ou sous forme d’image sur papier ou de statue. Et surtout, les réponses que la machine peut donner n’est que le reflet de la culture commune ramassée sur les sites, religieux ou non, choisis par les concepteurs. Certes, les réponses peuvent être consolantes, stimulantes, un peu à la manière des «diseurs de bonne aventure» qui s’arrangent pour caresser dans le sens du poil l’interrogateur. Mais il n’y a rien là de spirituel, contrairement à ce que prétendent quelques journalistes catholiques mal inspirés. Reste à garder la modestie du concepteur qui, dans The Guardian, reconnaissait concernant le Deus ex machina : «Il s’agit d’un outil très facile d’accès qui permet de parler de religion, de christianisme et de foi chrétienne».

À son propos:

Étienne Perrot sj est un jésuite de la Province d'Europe Occidentale Francophone (EOF) qui a vécu 15 ans à Genève (de 2001 à 2016), au sein de la communauté de Carouge. Membre du conseil de rédaction de la revue choisir  jusqu'à sa fermeture fin 2022, il écrit régulièrement sur le site des jésuites de Suisse depuis 2013, et sur celui de la Province d'Europe centrale en français depuis sa création en 2021. Conseiller de la rédaction de la revue Études (Paris), le Père Perrot sj rédige deux blogs hebdomadaires: Deux doigts au-dessus du sol et Coup d’épingle. Cet été 2024, il quitte Lyon pour rejoindre Paris

Étienne Perrot, né en 1944 dans le Doubs (France). Il a enseigné  l'économie et l'éthique sociale à Paris, et l'éthique des affaires à l'Université de Fribourg 3. Il a écrit plusieurs livres, notamment Esprit du capitalisme, es-tu là? Derrière les chiffres, discerner l’humain, Bruxelles, Lessius 2020.

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