Jésus avait bien dit qu’il ressusciterait au troisième jour, mais personne ne l’attendait plus. Les Évangiles montrent une communauté déconcertée, ceux et celles qui avaient misé sur Jésus ne sont plus capables de croire qu’il ait vaincu la mort. Déçus, rendus amnésiques par le chagrin, ne leur parlez plus de Résurrection. Si le corps de Jésus n’est pas dans la tombe, c’est qu’il en est sorti. Pas de lui-même, évidemment, puisqu’il était mort. Reste une hypothèse plausible: ses ennemis ont dérobé le cadavre pour en finir une bonne fois avec un mort qui les a trop dérangés.
Alertés par Marie Madeleine, deux disciples se précipitent vers la tombe. L’un court plus vite, l’autre est moins rapide. Diversité des tempéraments sur les chemins de la foi, où chacun avance à son rythme. Le premier arrivé au tombeau s’efface pour laisser entrer Pierre, qui incarne la hiérarchie plus lente. Contrairement à ce qui se passe lors d’un cambriolage, rien n’est dérangé dans la tombe, les linges sont bien rangés, à leur place, mais vides de contenu.
Personne n'y comprend rien, jusqu’au moment où le disciple que Jésus aimait, voit ce qu’il s’est passé. Tout est donc question de regard. Le texte original de l’Évangile le suggère en jouant avec trois verbes grecs différents pour décrire la manière dont chacun des protagonistes a perçu la tombe vide. Trois regards.
Marie Madeleine jette un coup d’œil et voit que la tombe a été ouverte et est vide.
Pierre pénètre dans le tombeau, regarde attentivement la scène, enregistre tous les détails pour conclure qu’il n’y a pas traces d’une intervention extérieure. Sans trouver d’explication, il en est tout perplexe.
Finalement, l’autre disciple voit dans le sens de saisir, de quoi il en retourne : la tombe désertée, les linges à leur place mais vides de contenu, ne sont que les signes physiques d’un événement qui n’appartient plus au monde physique. Comme qui dirait je vois bien que si le corps n’est plus là, Jésus ne fait plus partie du monde des morts, il est vivant. L’Évangile se contente de dire: Il vit et il crut. Un poète dira : on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.
Trois regards sont portés sur le tombeau vide : un coup d’œil rapide, une attention plus engagée, une vue éclairée par la foi, capable de voir au-delà des apparences. Avis au lecteur de l’Évangile: n’importe quelle situation décevante risque bien de n’être qu’un tombeau vide aussi longtemps que le regard n’est pas capable de rejoindre l’étincelle de vie présente au-delà des signes de mort.
«Tout est question de regard» (Jn 20,1-9) - la méditation de Pierre Emonet sj pour le dimanche de Pâques 2025