La plupart des catholiques auront vu, au moins une fois, la ‘vidéo de prière du pape’ diffusée chaque mois. Ce bref clip invite les catholiques à la prière et à l’action à une intention spécifique, rappelle le journalistre Maurice page de cath-info. Peu savent comment cet apostolat est organisé. Rencontre dans son cœur battant, à Rome, avec son directeur, le Père Cristobal Fones.
Un réseau centenaire
«Lorsque le supérieur général m’a appelé, je ne connaissais le Réseau que de nom», relève le jésuite chilien. Qui a mis entre parenthèses son ‘apostolat chantant’ de musicien, compositeur et interprète qu’il menait en Amérique latine et aux Etats-Unis.
«C’est un vrai réseau avec de vrais gens et pas seulement une entité virtuelle»
Il débarque à Rome au début 2024 comme directeur adjoint et succède à la direction de cette œuvre pontificale, au religieux français Frédéric Fornos, le 1er janvier 2025. «Travailler en lien direct avec le pape François et avec des personnes des cinq continents est une opportunité et un défi extraordinaire.» Un défi prenant aussi: «Je n’ai pas encore eu l’occasion de me mettre sérieusement à l’apprentissage de l’italien et du français.»
Le Réseau Mondial de Prière du Pape est depuis 2020 une fondation pontificale confiée aux jésuites dont la mission est de mobiliser les catholiques par la prière et l’action face aux défis de l’humanité et de la mission de l’Église. Fondé en France en 1844 en tant qu’Apostolat de la prière, le réseau est aujourd’hui présent dans 92 pays et rassemble plus de 22 millions de catholiques.
Trois missions sous un parapluie
«Le ‘parapluie’ de ce réseau abrite trois missions distinctes», explique le Père Cristobal. La première est d’encourager les gens à prier et à présenter le monde à Dieu. C’est en ce sens que le pape propose chaque mois, aujourd’hui sous forme de vidéo, une intention de prière.
Le réseau dispose aussi d’une application ‘click to pray’ avec des messages journaliers en sept langues. Enfin le Réseau possède des bureaux nationaux dans 47 pays qui accompagnent les groupes de prière locaux. «C’est un vrai réseau avec de vrais gens et pas seulement une entité virtuelle», insiste le jésuite.
«Nous voulons rappeler que la foi chrétienne est d’abord et avant tout une relation personnelle avec le Christ.»
La spiritualité du Sacré-Coeur de Jésus
La deuxième mission est la formation à la spiritualité du Sacré-Cœur, liée à l’Apostolat de la prière depuis son origine. C’est la voie du cœur présentée par le pape François dans sa dernière encyclique Dilexit nos. Cela passe par un programme de formations et de retraites, des publications qu’il faut traduire et adapter dans les diverses langues. «Nous voulons rappeler que la foi chrétienne est d’abord et avant tout une relation personnelle avec le Christ et une conversion des cœurs.» Un parcours en neuf étapes baptisé le «Chemin du cœur» est proposé aux fidèles.
Le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ)
La troisième mission est celle du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) qui est la plus grande organisation de jeunesse du monde. Présent dans un nombre incalculable de diocèses de 56 pays des cinq continents, il prend cependant des formes variées selon les situations locales. «Nous veillons à la formation des responsables sur le plan religieux, mais aussi humain avec notamment la question de la prévention des abus.»
Pour piloter tout cela, le secrétariat central de Rome n’occupe que quatre personnes. Mais il peut compter sur la collaboration directe d’une vingtaine de personnes réparties dans plusieurs bureaux nationaux. Chaque niveau, local, diocésain, national et continental possède un coordinateur. «Ces personnes ne dépendent pas de nous, mais nous sommes en contact avec elles.»
Les intentions de prière du pape
L’activité la plus visible est bien sûr la vidéo de prière du pape diffusée chaque mois en une cinquantaine de langues. «Les intentions de prière ne sont pas distribuées d’en haut mais remontent de la base, souligne le Père Cristobal. Les directeurs nationaux, mais aussi les dicastères du Saint Siège, nous font des suggestions. Nous recueillons ainsi quelque 1’000 propositions par an. Nous commençons par les trier par grands thèmes, comme la santé, l’éducation, le droit des femmes, les persécutions etc.»
«Vient ensuite le processus de sélection effectué ici à Rome pour arriver aux propositions que nous soumettons au pape. J’en discute lors d’un échange personnel avec lui, qui a le dernier mot. Il nous remet ensuite un document officiel d’approbation. Nous pouvons alors communiquer les thèmes retenus aux directions nationales qui pourront déjà les développer et les adapter de leur côté.»
La production des vidéos: une entreprise complexe
Mais de fait, le travail ne fait que commencer. «Avec l’aide de quelques personnes de Vatican Media, il s’agit d’écrire un script pour un clip de 1 à 2 minutes. Il faut d’abord rassembler les données nécessaires, déterminer ce qui est pertinent, respecter les diverses mentalités, pour arriver à un message efficace. Sur certains sujets cela peut être délicat, nous devons tenir compte des relations avec les Etats ou avec les autres religions et des risques de persécutions pour les communautés locales. Il nous est arrivé d’avoir un bon matériel et de devoir renoncer à l’utiliser, note le Père Cristobal. Pas question non plus de vouloir tout dire en moins de deux minutes. Notre axe est toujours de motiver à la prière et à l’action.»
«La prière change le monde parce qu’elle change les personnes. Qu’elle les invite à la compassion et à s’engager pour un monde meilleur, en paix et sans violence.»
La troisième phase est celle de la réalisation avec l’enregistrement du pape, la recherche ou la production des images d’illustration, la musique, le montage, les traductions, le sous-titrage et la diffusion sur une chaîne youtube dédiée et sur les sites de nombreux médias catholiques, dont cath.ch. Elle se fait avec la collaboration de quelques bureaux nationaux.
La prière pour changer le monde
Les messages du pape ont presque toujours un caractère social et politique comme celui de janvier 2025 sur le droit à l’éducation des enfants. «Si nous considérons que la mission des chrétiens est d’établir le Royaume de Dieu, alors le christianisme a toujours une dimension sociale», justifie le Père Cristobal. «Nous ne sommes pas une religion du bien-être individuel. Le chrétien est un être social. Cela commence par construire la famille, la communauté, le pays. La prière change le monde parce qu’elle change les personnes. Qu’elle les invite à la compassion et à s’engager pour un monde meilleur, en paix et sans violence. La prière n’a rien de magique, elle matérialise ce que la théologie appelle le corps mystique du Christ. C’est d’ailleurs le sens du nom original d’apostolat de la prière. (cath.ch/mp)