Sur le point de quitter ce monde, Jésus se préoccupe de l’avenir de ses disciples. Si sa présence les maintenait dans le grand courant qui unit le Père et le Fils, son absence les laisse seuls dans une situation ambiguë et compliquée peu favorable pour ceux qui ont été formées à son école. Le risque qu’ils se dispersent n’est pas aléatoire, aussi les confie-t-il au Père, lui demandant d’en prendre soin, et de les garder unis dans la joie que leur procurait l’enseignement de Jésus.
Cette crainte de Jésus pour l’avenir de ses disciples rejoint celle de nombreux parents qui constatent avec inquiétude que leurs enfants et petits-enfants abandonnent la foi et la pratique religieuse qu’ils se sont efforcés de leur transmettre tant bien que mal. Si ces jeunes générations font souvent preuve de générosité et d’un sens certain de l’éthique, absorbées par un environnement peu porteur, elles abandonnent les chemins de leurs aînés. D’où le sentiment d’échec de nombreux parents.
Jésus quitte ce monde, et ses disciples restent dans un univers hostile, plus sensible aux séductions du Mauvais qu’aux valeurs évangéliques. Contraints de vivre et de témoigner dans une ambiance délétère, ils peuvent rêver d’un climat plus favorable.
La vie leur apprend que le monde idéal n’existe pas; il n’est qu’une utopie.
Réaliste, Jésus ne demande pas au Père de retirer les croyants de cet environnement toxique, ni de les établir dans un espace protégé. Il propose un antidote qui maintienne vive en eux la joie profonde qu’ils éprouvaient à l’écoute de sa Parole. Les Évangiles en assurent la permanence, la voix intérieure de l’Esprit garantit son actualité. Écoutée, lue, méditée par ses disciples, la Parole sera en eux comme une lumière dans l’obscurité, un ferment dans la pâte. Appuyés sur elle, ceux et celles qui se réclament du Christ seront dans le monde comme «l’âme dans le corps» disaient les premiers chrétiens.
« Réalisme » (Jn 17,11b-19), méditation de Pierre Emonet sj pour le dimanche 12 mai 2024