Qui est le cardinal Jean-Claude Hollerich sj qui accueillera le pape François au Luxembourg le 26 septembre 2024 L’agence I.Media dresse le portrait de ce prélat de 66 ans qui est devenu progressivement une personnalité centrale du pontificat au point d’être régulièrement cité comme papabile.
Polyglotte, l’archevêque de Luxembourg occupe des fonctions stratégiques au sein de l’Église, comme celle de rapporteur du Synode sur la synodalité, vaste chantier du pape censé rendre l’Église catholique plus inclusive et participative. Celui qui a passé près de 23 ans en mission au Japon accueillera le pape jeudi 26 septembre dans son diocèse pour une courte étape. Signe de la proximité entre les deux jésuites, François se rendra chez le cardinal luxembourgeois pour le déjeuner et un temps de repos.
Le cardinal Hollerich sj est cependant devenu une des personnalités incontournables dans l’Église. De par son expérience, ses fonctions et son réseau, sa voix porte désormais bien au-delà des frontières du petit territoire du Grand-Duché qui ne compte que 271'000 fidèles et quelque 120 prêtres diocésains.
Jean-Claude Hollerich est né en 1958. Il a grandi dans la petite ville de Vianden. Ses parents ne vont pas à la messe mais lui s’y rend, comme tous les enfants de son âge. Il est marqué par les processions et les grandes liturgies. Sans renier cette foi de l’enfance, le cardinal posera des années plus tard un regard sévère sur la culture d’alors où les chrétiens se rendaient à la messe surtout par convention, et où régnaient «beaucoup de fissures et d’hypocrisie».
Après ses études secondaires, il part pour Rome en 1978 pour commencer sa formation sacerdotale à l’Université pontificale grégorienne.
Le Japon ou le «voyage intérieur»
En 1981, il a 23 ans lorsqu’il décide d’entrer dans la Compagnie de Jésus. Il effectue son noviciat à Namur pendant deux ans. Après deux autres années de formation pastorale dans la capitale du Grand-Duché, le jeune jésuite est envoyé – à sa demande – au Japon, en 1985.
Il décrit ressentir ’un grand choc‘ lorsqu’il réalise que ses schémas européens ne correspondent pas à la culture japonaise. Il doit s’inculturer totalement, entamer un ‘voyage intérieur‘.
«Au Japon, j’ai appris à connaître une autre façon de penser».
À Tokyo, il reprend ses études de théologie à l’Université Sophia, en complément de sa formation en Allemagne (1989-1990) où il obtient une licence. Il est ordonné prêtre à Bruxelles en 1990. Il passe alors encore quatre ans à étudier la langue et la littérature allemandes à Munich. Durant ces années bavaroises, il est aussi accompagnateur spirituel des séminaristes de Luxembourg et responsable de la pastorale vocationnelle.
Diplômes en poche, il repart pour le Pays du Soleil Levant où il devient professeur d’allemand, de français et d’études européennes à l’Université Sophia. Il intègre finalement la province jésuite du Japon en 2002, année durant laquelle il prononce ses vœux définitifs dans la Compagnie de Jésus.
Le choix de Benoît XVI pour le Luxembourg
C’est en 2011, alors que Jean-Claude Hollerich a déjà passé plus de 23 ans de sa vie au Japon, que le pape Benoît XVI lui demande de rentrer en Europe pour occuper le siège de l’archidiocèse de Luxembourg. Une véritable surprise pour le jésuite de 52 ans. Il trouve alors une réalité ecclésiale qui a beaucoup changé par rapport à ses années de jeunesse.
À Luxembourg, le jeune archevêque veille à ne pas s’enfermer dans un entre-soi et reste au contact des croyants et des non-croyants de différents milieux sociaux. L’erreur selon lui serait de se recroqueviller et de regarder le passé avec une nostalgie naïve et mensongère.
Un cardinal pour l’Europe
En 2019, Mgr Jean-Claude Hollerich sj est en vacances au Portugal quand il apprend que le pontife le crée cardinal.
Aligné sur la vision du pape François, il partage avec le pontife argentin une passion pour le Japon.
Ce cardinalat – une première pour le Luxembourg – place l’archevêque un peu plus sous les feux des projecteurs. Quelques mois plus tôt, il avait été élu à la tête de la Commission des épiscopats de l’Union européenne (COMECE), un poste offrant à cet européen convaincu d’évoluer dans les hauts milieux politiques et ecclésiaux. Et de porter une parole libre sur l’avenir du Vieux continent confronté à une crise de sens et d’espérance.
À l’heure du Brexit, le cardinal pose un diagnostic sévère sur une Union européenne. Elle a selon lui oublié l’idéal de ses fondateurs et s’est limitée à une politique purement matérialiste, consumériste et individualiste. Cette fausse route est pour lui à l’origine des divisions, du rejet de l’UE par une partie de ses citoyens et de la montée des populismes jouant sur les peurs.
«L’Europe restera catholique si…»
Les immigrés qui étaient les bienvenus durant la période des Trente glorieuses sont devenus des étrangers et une menace. Le cardinal veut renverser les perspectives: l’identité européenne disparaît lorsque l’Europe refuse l’accueil et la fraternité.
«L’Europe restera catholique si nous savons vivre cette rencontre avec les migrants en conformité avec l’Évangile», explique-t-il.
Une Église plus petite mais plus vivante
Le Luxembourgeois dessine sa vision de l’Église en Europe dans deux décennies, plus petite mais aussi plus vivante. «Dans certaines parties du nord de l’Europe ce sera surtout une Église de migrants», prévoit-il, puisque «les riches autochtones sont les premiers à abandonner le navire, car l’Évangile grince avec leurs intérêts».
Défenseur des Droits de l’homme, Mgr Hollerich sj monte au créneau lorsqu’il considère que l’Union européenne se fourvoie, notamment sur les questions éthiques. La reconnaissance par l’Europe de l’avortement comme un droit fondamental irait non seulement «à l’encontre du respect de la dignité de chaque être humain, qui est l’un des piliers de l’UE, mais elle mettrait également gravement en danger le droit à la liberté de religion, de pensée et de conscience et la possibilité d’exercer l’objection de conscience», réagit-il.
Un rapporteur de Synode réformateur
En 2021, le pape François confie à cet homme de dialogue la mission d’être le rapporteur du Synode sur la synodalité. Il le place ainsi de facto sur le devant de la scène. Discret dans les premières semaines du processus synodal le cardinal Hollerich va surprendre certains en livrant dans la presse ses opinions sur des sujets brûlants qui agitent l’Église catholique.
Il explique début 2022 que l’ordination diaconale des femmes ne le dérangerait pas. Sur la question de l’ordination d’hommes mariés, il confie avoir été «un grand défenseur du célibat pour tous les prêtres» mais souhaite que soit ouverte cette possibilité, arguant un principe de réalité. Le cardinal reste toutefois conscient du danger de schisme si l’Église latine venait à enclencher ces changements.
Sur l’homosexualité, le Luxembourgeois note que:
«le fondement sociologique-scientifique à la base de l’enseignement de l’Eglise n’est plus adéquat».
Il est temps pour lui de procéder à une révision du catéchisme. A propos du mariage pour tous, il estime qu’il n’y a pas la place pour un mariage sacramentel entre les personnes de même sexe, parce qu’il n’est pas caractérisé par une fin procréative, mais cela ne veut pas dire que leur relation affective n’ait aucune valeur. Il accueille favorablement la déclaration Fiducia supplicans de décembre 2023 qui autorise une bénédiction non rituelle des couples de même sexe.
La crise des abus impose de changer
Le cardinal ne se définit pas comme un libéral ou un progressiste, mais souhaite être un ‘chrétien radical’. Car pour lui, le besoin de changement vient de la nature radicale de l’Évangile.
Ce vent de réforme est aussi pour le cardinal légitimé par la crise des abus. Intégrer davantage les femmes dans les structures de décision de l’Église est pour lui une première réponse à la crise. Il plaide aussi pour plus de vigilance dans le discernement vocationnel.
Dans son diocèse de Luxembourg, par exemple, les séminaristes doivent désormais passer par huit sessions psychologiques destinées à détecter une tendance pédophile.
Pour le cardinal, les réformes structurelles ne seront opérantes que si elles s’accompagnent d’une renaissance spirituelle. Le but du Synode sur la synodalité n’est pas de changer la doctrine de l’Église mais de revenir à l’esprit du Concile Vatican II. (cath.ch/imedia/hl/mp)