Tout va décidément de travers pour les disciples de Jésus. Le soir tombe et Jésus veut les entrainer sur l’autre rive, le territoire des païens si peu accueillant. Et voilà qu’une de ces tempêtes subites et violentes typiques du lac de Tibériade se lève. Secouée par les flots, envahie par l’eau, la barque est sur le point de sombrer. Les disciples, des professionnels du lac, sont dépassés. L’environnement dans lequel ils se trouvent malgré eux est hostile et dangereux. Dans le langage biblique les eaux profondes, comme celles du lac, symbolisent le monde du mauvais, contrairement aux eaux jaillissantes qui évoquent le surgissement de la vie. Pendant ce temps, Jésus dort, apparemment indifférent à la détresse des siens, comme si tout cela ne le concernait pas. Alors, il faut crier et le secouer pour le réveiller et lui dire qu’on est en train de couler. Son intervention prend l’allure d’un exorcisme: il commande en maître aux éléments déchainés qui lui obéissent et s’apaisent aussitôt.
Jésus reproche à ses compagnons d’avoir eu peur et de manquer de foi. Ce qui voudrait dire que la foi bannit la peur. Mais comment avoir confiance en un Dieu qui dort et vous laisse tomber au plus fort des épreuves dans lesquelles il vous a embarqué? Incapables de s’en sortir par eux-mêmes, désespérés, les disciples se sont tournés vers Jésus pour le réveiller. Ces hommes ont tout de même manifesté un brin de foi, même s’ils ne sont pas bien au clair sur son identité: qui est «celui-ci» capable de maîtriser le vent et la tempête, se demandent-ils. Il leur a fallu toucher le fond pour comprendre que Dieu fait le mort et abandonne l’homme à ses propres ressources jusqu’à ce qu’il saisisse que le salut n’est pas le fruit de ses efforts, qu’il vient d’ailleurs.
Une formule paradoxale attribuée à Ignace de Loyola en tire les conséquences pratiques: «Crois en Dieu comme si tout dépendait de toi, et pas de Dieu. Cependant mets tout en œuvre, comme si rien ne dépendait de toi, et tout de Dieu.» (Source cf. https://www.jesuites.com/hevenesi/).
«Quand Dieu dort» (Mc 4,35-41) – Méditation de Pierre Emonet sj du dimanche 23 juin 2024